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Caroline Safarian interview avec d'Agnès Guignard

Caroline Safarian interview avec d'Agnès Guignard

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Transcription

Agnès Guignard is a French performer who created a show called "Pieds Nus" to explore her Armenian heritage. Her mother, who was interested in her own roots, shared stories about her father and the Armenian community in France. Agnès felt a connection to her grandfather and wanted to share his story through her performance. She acknowledges that she doesn't speak Armenian fluently but has a curiosity and interest in her culture. The show is a tribute to her mother and an effort to preserve the Armenian culture, which she believes is in danger. Bonjour Agnès Guignard, alors je suis très très contente de t'avoir avec toi. J'ai pu assister à la générale de ton spectacle, Pieds Nus, et vraiment c'était très émouvant. Alors j'aimerais déjà que tu nous dises un peu qui es-tu, parce que je ne sais pas si la communauté arménienne de Belgique te connaît. Et c'est que, voilà, là tu es en train en fait de parler des Arméniens, histoire familiale, histoire collective, donc voilà. Petite histoire et grande histoire Antoine Defran. Absolument. Moi je m'appelle Guignard, et Guignard ce n'est pas arménien du tout. Mon grand-père du côté de ma maman s'appelait Zournadian, comme le Zourna, Zournadian. Donc par ma maman, j'ai du sang arménien, je suis né en France, mais je suis française, il faut dire la chose clairement. Et je suis une éducation d'une culture à l'occidentale, mais ma mère, sur le tard, c'est vers 50 ans, elle a commencé à s'intéresser à ses racines. Ma maman est partie aujourd'hui, mais pendant des années, des années, elle m'a écrit, elle a rassemblé tout ce qu'elle savait sur la vie de son père, sur la colonie arménienne de Belfort en France. Et puis, assez tard, 10 ans peut-être avant de partir, elle nous a transmis ce qu'elle disait à mon frère et à moi. C'est ça, ça part d'un don le spectacle, c'est ça. Et forte de cette mémoire que je partageais en partie, parce que mon grand-père, Agobhe, je l'ai connu un peu, il était très vieux quand je l'ai rencontré, très diminué par toute sa vie, tout son parcours. Mais je sentais quelque chose avec lui, une vibration, quelque chose comme un enfant peut sentir quelque chose, voilà. Et puis je sentais l'amour que ma mère portait à son père, donc par filiation, il y avait un attachement. Et puis moi, prenons de l'âge, parce que c'est aussi une histoire d'âge, je peux témoigner d'âge, c'est ce que je ressens, je n'aurais pas fait ce spectacle à 30 ans, pas du tout. C'est à un moment donné, on reçoit quelque chose, c'est comme un led, bien symbolique, mais il faut en faire quelque chose. Je ne pouvais pas laisser ça fermé dans un tiroir et dire, ah oui, c'est beau, voilà. Moi, je ne parle pas l'arménien, ma mère m'a transmis des mots comme ça, ça a bercé mon enfance, mais ce n'est pas une culture très profonde. C'est profond dans les valeurs, mais ça reste comme une femme qui s'intéresse à quelque chose, il y a sans doute plein de choses que je ne connais pas encore de la race. Mais c'est une culture, c'est une curiosité, voilà. Il y a un intérêt complet pour ce que je ne connaissais pas, et c'est ce chemin-là, en fait. Ma mère, elle a ouvert la porte, elle a donné le clavier, elle a parlé, je l'ai interviewée, ça m'a mis presque 5 ans pour l'écriture, décanter, qu'est-ce que je vais dire, qu'est-ce que je ne vais pas dire, parce qu'il y avait mille chemins possibles, et puis j'ai resserré les choses autour de la figure d'Agophe et du monde dans lequel il a progressé, vécu et traversé, en fait. Il y a de l'épique, mais il y a aussi beaucoup d'intime, je crois que ça varie, ça joue sur les deux plans, et ça a les pieds dans le réel, c'est ça. Pieds nus, c'est des sensations des pieds sur la terre, et entre parenthèses, marqué Vodkovobik, parce que ma mère, dans le cahier, s'est évertuée, et ça me touche infiniment, à mettre la traduction des mots français, écrits en français avec la traduction phonétique, bien sûr qu'elle n'écrivait pas l'arménien, avec la traduction phonétique des mots pour nous transmettre ce qu'elle savait, tout ce qu'elle savait. C'est marrant parce que j'aime beaucoup quand elle dit, ta maman, elle est un personnage du spectacle, comme ton grand-père était très présent, elle dit, je ne suis pas une vraie Arménienne, alors ça c'est très fort chez les Arméniens, et souvent c'est en lien avec la langue, parce qu'on n'a pas la langue, mais du coup on n'est pas un vrai Arménien, ou une vraie Arménienne, et ma mère avait le souci de l'authenticité, elle ne voulait pas nous raconter n'importe quoi, faire des romances, elle détestait ça, donc dans le cahier, elle a dit, tout est vrai, elle savait qu'il y avait des choses invraisemblables, parce qu'il y a des choses intéressantes, c'est une mémoire, donc la mémoire est orale, la mémoire elle est fiction, on retire des choses, après ma mère elle a transcrit ce qu'elle a reçu, mais sur les mots etc., elle savait bien que les mots qu'elle disait, c'était déjà une mémoire qu'elle avait reçue quand elle était enfant, après elle est partie, elle a fait toute sa vie, ma mère, quand elle est revenue à cette culture, ça faisait un moment, donc il y avait des choses, elle parlait encore arménien avec sa soeur, mais c'était un Arménien des familles, très populaire, pas du tout écrit, moi je sais qu'il y a beaucoup de petits Arméniens qui apprennent l'arménien dans l'école arménienne, et j'ai vu tous ces petits enfants, ma mère c'était pas ça, c'était un Arménien maquillé de turc de toute manière, parce que son père passait du turc à l'arménien, c'était mes petits potes, c'est ça que je trouve profondément touchant, c'est que ça cohabitait, après c'est pas la pureté, c'est pas véritablement la langue arménienne telle qu'aujourd'hui on peut l'apprendre dans les écoles arméniennes, ça ma mère elle en était consciente, mais elle nous transmettait ce qu'elle savait, authentique, véridique, mais imparfait, c'est ça, ce qui est déjà pas mal parce que t'as des tas d'Arméniens qui n'ont pas reçu, enfin moi je sais que c'est pas toujours évident pour avoir cette mémoire, au fond la génération, ta mère elle était quand même fort courageuse, parce que c'est pas évident, c'est à dire que nous on a une génération en plus, mais elle était l'enfant de, l'enfant du survivant, et donc c'est toujours très compliqué pour arriver à libérer la parole à ce niveau là, et je veux dire elle a quand même été fort courageuse de vous écrire à toi et à ton frère, deux livres sur l'histoire de son père, je pense que ma mère avait une capacité à l'énerveillement, à l'imaginaire et à la poésie, unie, peut-être héritée en partie de son père et puis cultivée par elle-même, c'est ça, donc pour elle, les valeurs de son père qui étaient des valeurs de contemplation, de paix, d'humour, parce qu'il riait beaucoup, de joie, pas matérialiste pour un sou, alors ça, ça a été toujours un peu, peut-être la limite, enfin je sais pas si c'est une limite d'ailleurs mais c'est de la réalité, il était pauvre, il a toujours travaillé, il a jamais été, il s'est jamais installé comme, mais il était nomade, mais oui, en fond des rues, orphelin, survivant, nomade pendant quinze ans, l'ex-empire ottoman après, mais enfin c'était la fin de l'empire ottoman, et puis il est arrivé en France, il s'est posé, mais son âme, elle est restée nomade, donc il a vécu à la France, entre guillemets, à la française, mais en restant toujours un peu sur les marges, et moi, cette figure d'homme marginal, mais inséré, je veux dire, qui ne voulait pas faire d'histoire, travailleur et tout, mais il avait son jardin secret, et sa poésie, et il écoutait Mozart, et ça c'est vrai, et je l'ai vu moi, écouter son poste, il cherchait, bon c'était peut-être sur France Musique ou je sais pas quoi, enfin j'en sais rien, je sais pas il y a quarante-cinq ans si France Musique existait déjà, mais il cherchait la musique classique, c'est dingue, parce que qui lui a appris ? Personne, il aimait, il aimait faire son jardin, il aimait la beauté, il aimait protéger les fraises dans la feuille de chou pour ne pas les abîmer dans le transport, dans la cage de sa boutique, tout ça est vrai, il avait un sens de la beauté dans le petit, c'est ça, alors ça c'est des belles valeurs, elles m'ont été transmises, je ne sais pas si je suis à la hauteur de ces valeurs, mais en tout cas, elles sont en moi, et ma maman les a, nous avons, à mon frère à moi, léguées, et ce qui fait qu'à un moment donné, t'as le déclic et tu te dis, non, je vais faire un spectacle, oui, le déclic, c'est le dos, c'est le cahier, c'est l'acte symbolique, donc, bon, qu'elle t'a remis, donc, qu'elle a, ah oui, je voudrais que je retrouve la date, mais je pense que c'était il y a dix-douze ans, il faudrait que je recherche en métal que tout ça ait été remis, oui, mais en tout cas, ma maman est partie en deux-mille-vingt, donc, je dirais deux-mille-huit, peut-être, même, peut-être encore avant, deux-mille-vingt-vingt, dix ou quinze ans avant de partir, c'est ça, parce qu'après, elle craignait, ses deux airs sociaux, elle craignait de ne plus être en capacité d'écrire, donc, elle a écrit encore pouvant à l'écrire, et moins forte de ça, il y a une petite chose que quelqu'un m'a racontée, j'aime beaucoup cette petite phrase, ce que tu hérites, ce qui t'est transmis, il faut le reconquérir pour le posséder, il faut le reconquérir comme une reconquête intime, pas une reconquête avec les âmes, il faut le reconquérir pour le posséder, le faire tien, et ça, c'est une phrase de deux, de trois-mille-vingt, mais j'aime beaucoup cette formule, parce que j'ai l'impression qu'il y a quelque chose de ça dans cette démarche, et aussi, de le partager avec les autres pour pas que ça meure, parce que, moi, je trouve que c'est une histoire qui fait vivre cette mémoire, qui fait vivre ce peuple qui est en grand danger, moi, je ne suis pas une spécialiste, mais j'ai quand même beaucoup lu, beaucoup m'intéresse à ces questions, mais c'est un peuple en danger, quand même, qui est enserré géographiquement, c'est un peu comme une peau de chagrin depuis des centaines d'années, on dirait que ce territoire se rétrécit, sous les coups de toutes les invasions qu'il y a eu, multiples, multiples, et puis maintenant, on a une dernière chose terrible avec l'Azérique, enfin, je ne vais pas rentrer dans ces considérations politiques que je ne maîtrise pas exactement, mais c'est un fait, il y a eu une invasion, il y a eu une guerre, et puis après, on prend le territoire, vous partez, donc voilà, tout à fait, et ça, pour ce peuple, c'est vrai que c'est rayer une culture, une âme, enfin, des âmes, mais des âmes dans le sens, l'âme intérieure, une culture, la mémoire, c'est quelque chose qui va nous remuer, tout à fait, parce que c'est l'ordre intime, mais c'est l'ordre aussi du monde, comment il va, alors, moi, je ne veux pas faire de leçon, je suis vraiment passée par l'intime, j'essaie toujours de le remettre dans le monde, mais mon objectif, mon spectacle, je n'ai pas voulu faire un spectacle sur l'histoire avec un grand H, parce que je voudrais faire un spectacle sur le génocide, véritablement, parce que c'est très complexe, c'est des mécanismes, ce n'est pas que des méchants, il y a tous les intérêts obligatoires là-dedans, c'est super complexe, et on aime la complexité, on n'aime pas la simplicité, après, il y a quand même des choses qui ne vont pas tout à fait bien dans l'ordre de ce monde, mais je trouve que c'est très juste et ça se sent très fort dans le spectacle, cette phrase de Goethe qui dit, au fond, reconquérir, parce que finalement, on peut aussi répéter la mémoire bêtement, et ce n'est pas ça que je sens, je sens qu'effectivement, il y a un travail de réappropriation de ça, quelque part, le fait que tu te mettes dans la peau de tous ces personnages, que tu les incarnes, effectivement, on sent qu'il y a un travail sur qui je suis, moi, Agnès, par rapport à cette histoire aujourd'hui, parce que c'est presque inconscient, c'est mon moteur, et je suis passée par l'écriture, bon, le cahier existe, mais à un moment, c'est un écrit brut, la mère écrivait très bien, il y a des très belles choses dans le cahier, tout n'est pas forcément égal, il y a des choses pas moins intéressantes, mais plus anecdotiques, elle voulait tout dire, et moi, j'ai repris certains moments pour créer un fil, une sorte de création, une figure, faire naître une figure d'Agothe, à travers la parole et à travers l'écriture, et j'ai essayé, et le texte, ce n'est pas juste que je raconte comme ça, il est très écrit, en fait, quel que ce soit les accros de texte, mais on ne connaît pas, mais il est très écrit, et pour cela, j'ai été accompagnée, je voudrais dire un mot sur l'équipe, si je me permets, accompagnée par Jean-Gabriel Vidal à la dramaturgie, qui est un jeune homme, enfin, je dis un homme jeune, parce que je suis plus jeune, mais qui sort de l'infâme, et qui m'a accompagnée merveilleusement dans ce travail de dramaturgie et de mise en scène, enfin, le travail de la transposition scénique est vraiment un fruit collectif, et je veux vraiment, ce n'est pas seul, il y a Marc Doutrepont au son, il y a Claire Farah à la scénographie, il y a Sophie Lézot et Jean-Gabriel Vidal à l'extérieur, à la mise en scène, au regard de construction générale du projet, en lien avec La Lumière, Renaud Clements, et puis des interventions aussi de Timo Holbrand sur des essais magiques, très mineurs, mais il est passé, et puis Lionel Ravira, qui est passé nous donner des petits conseils vidéo, voilà, mais on est toute une petite famille, et à l'âge de 18 ans, on a Nathalie Tamoun, petite fille d'Arménien, qui fait la production, et le Théâtre des Martyrs, et bien sûr, le Théâtre des Martyrs, Philippe Sireuil, la Comitée Française, toutes les coproductions, mais il y a vraiment des gens qui ont soutenu le projet, la Fabrique de Théâtre, incroyable, Valérie Corbie, donc il y a des personnes qui ont soutenu ce projet à la racine, et je tire un coup de chapeau et ma reconnaissance. Mais oui, parce que je pense que faire entendre cette parole-là, ce n'est pas que faire un spectacle, c'est aussi faire entendre une mémoire qui est en train clairement de disparaître, ou en tout cas que certains voudraient voir disparaître, voilà, et donc je trouve qu'il y a un peu plus qu'un spectacle, quelque chose de plus, donc voilà, franchement, chapeau, écoute-moi, j'ai pleuré, franchement, ça m'a vraiment émue, oui, oui, oui, vraiment très fort, et je me rends compte, c'est incroyable, Agnès, comme ça fait du bien, parce que, en fait, je me suis dit, mais quelle lourdeur, ce génocide sur nos épaules de descendants de cette mémoire, et c'est très marrant, parce que je ne m'attendais pas du tout à avoir les larmes aux yeux à ce point-là, mais pas du tout, tu vois, ça va, j'ai travaillé, c'est bon, on va bien faire, et en fait, vraiment, je me suis un moment un peu effondrée, alors étonnamment, au moment de la musique arménienne que je n'écoute jamais, enfin, tu vois, voilà, et à ce moment-là, tout d'un coup, bouh, il y a tout qui est remonté, et voilà, et donc je sais très bien que ça peut être très, très lourd de porter cette histoire-là, mais ma mère avait un charme incroyable, et j'espère que sa voix, pour moi, elle me transmet le porte, mais j'espère que je suis reçue aussi par les spectateurs, c'est qu'il faut vivre, oui, on va vivre, et elle avait une foutue énergie, et un foutu humour, comme mon grand-père à sa manière, ma mère avait encore une autre nature, mais c'est ça, c'est cette vitalité, et je m'accroche à ça, en fait, elle est pas de tomber dans quelque chose de l'art, mais dans l'énergie de vivre, c'est ça, c'est, je pense que beaucoup d'immigrés de tous les pays, oui, j'ai un porte, cette chose-là, parce que sinon, tu meurs, et comme disait ma grand-mère, la vie est plus forte que tout, hein, donc quand tu restes sur ça, c'est magnifique, merci Annie, moi je te remercie, c'est super, c'est toujours encourageant pour une comédienne, pour un solo, d'avoir du monde au début, alors il faut mobiliser la communauté arménienne de Belgique, hein, c'est pas tous les jours qu'on parle de nous, alors le numéro de téléphone, c'est le 02-223-3208, 02-223-3208, et pour ceux qui éventuellement n'auraient jamais été au Théâtre des Martyrs, c'est très simple, c'est entre la place de Brocaire et la place Rogier, c'est une magnifique place qui se situe derrière la rue Neuve, voilà, c'était Caroline Safarian, et à très bientôt.

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