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Moïse l'Insurgé de JACOB ROGOZINSKI

Moïse l'Insurgé de JACOB ROGOZINSKI

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Comprendre MOÏSE, Achetez le livre de Jacob ROGOZINSKI publié chez CERF

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Transcription

The transcription is an excerpt from the book "Moïse l'insurgé" by Jacob Rogozynski. It discusses the significance of Moses and the story of the Exodus in both Jewish and Christian traditions. The author reflects on their own personal journey of questioning and rediscovering the religious and historical truths within the Bible. They argue that religion can be a liberation against oppression and injustice, contrary to common prejudices. The author also highlights the unique nature of the religion founded by Moses, which emphasizes freedom and liberation for all people, not just the Hebrews. The passage ends by quoting a verse from the book of Joel, which speaks of God's salvation for all who invoke His name. Alors, je partage un extrait du livre intitulé Moïse l'insurgé, écrit par Jacob Rogozynski, publié dans la collection Les Éditions du Cerf, un livre extraordinaire qu'il faut absolument acheter. Je lis l'introduction, c'est pour vous donner envie de l'acheter. Tout simplement, nous sommes en période de Pâques et quand on dit Pâques, on pense la sortie d'Egypte avec Moïse, on pense aussi à Jésus qui va devoir traverser la foule. C'est un peu la même épreuve, c'est le côté chrétien. Donc, chez les Juifs, on parle de Pessoa et donc, à Moïse et chez les chrétiens, on parle de Pâques avec Jésus qui va traverser une épreuve avant d'être sacrifié. L'introduction, littéralement et dans tous les sens, c'est un livre qui nous vient d'une époque vingtaine. On a longtemps cru qu'il renfermait la sagesse de tous les livres du monde et on l'a donc appelé simplement le livre. Des voix l'ont précédé, elles ont raconté ou chanté ce qui allait être écrit dans ce livre et nul ne sait qui a recueilli le récit et leur chant qui les a transcrits sur des rouleaux de parchemin. C'est un livre où se perdent, comme dans un désert, un livre où marchent des multitudes d'hommes et de femmes, des asservis, des exilés, des inspirés, des guerriers et des rois. J'ai très tôt appris à les connaître, celui qui a tué son frère et celui qui allait tuer son fils, celui qui construit un navire pour échapper à un déluge, celui qui combat toute une nuit avec un inconnu et celui qui a été abandonné à sa naissance sur un fleuve. Sur les pentes d'une montagne, un berger aperçoit un buisson en feu. Il entend une voix qui l'appelle, mais qui est donc celui qui l'appelle ? Le livre a été lu de toutes sortes de manières, traduit dans toutes les langues des hommes et chaque fois trahi et malgré tout transmis. Le rouleau où il est inscrit a été tant de fois déroulé, brandi vers le ciel, porté en procession lors des jours de fête. Il a été tant de fois insulté, souillé, lacéré, brûlé avec ceux qui le portent. C'est pour pouvoir le lire un jour que j'ai appris à épeler les lettres carrées. J'avais sept ans. Je suivais du doigt ces marques bizarres qui s'avancent à reculons. Où est-elle ? Qu'avait-elle à me dire ? Un jour, j'ai cessé d'ouvrir ce livre. D'autres voix me semblaient plus vraies et plus justes. Plus vraies parce qu'elles parlaient au nom du progrès, de la raison, de la science. Plus justes parce qu'elles appelaient les opprimés à combattre pour qu'advienne un monde délivré de l'exploitation, de la guerre et de l'injustice. Il fallait en finir avec l'opium du peuple. Il n'est pas de sauveurs suprêmes, ni Dieu, ni César, ni tribun, producteur. Sauvons-nous nous-mêmes. Ce champ de lutte des travailleurs ne manque pas de grandeur. Et pourtant, il ne les a pas empêchés de suivre des sauveurs suprêmes, de vénérer des Césars qui se prenaient pour des dieux. Je croyais avoir rompu avec l'illusion religieuse et je n'avais fait que changer de religion. Plus exactement, j'avais adhéré à une religion séculière qui mystifiait ses fidèles en se faisant passer pour une vérité scientifique. Nous pensions lutter pour l'émancipation universelle et nous avons justifié des massacres glorifiés des tyrans. Le moment était venu de faire retour, de rouvrir le vieux livre. Mais à quoi bon renoncer à une illusion politique si c'est pour retomber dans une autre illusion, une autre forme d'orthodoxie ? Ils sont nombreux, ceux qui sont allègrement passés de Maroc à Moïse, sans abandonner pour autant leur certitude arrogante d'avoir toujours raison. Et pour quoi faire retour si cela implique de renoncer à lutter pour la justice ? Et pourtant, cette promesse d'un monde plus juste n'est pas dans le vieux livre qu'elle s'est pour la première fois énoncée avant d'être portée par d'autres voies. Nous avons vu si souvent les religions légitimes et la domination des puissants que nous n'arrivons pas à reconnaître leur dimension émancipatrice. Nous ne savons plus que le Dieu de la Bible est celui qui chasse les puissants de leur trône et élève les humiliés. Nous avons oublié que, durant des siècles, hérétiques, dissidents et rebelles se sont soulevés contre les États et les Églises au nom d'une croyance religieuse en espérant hâter l'avènement d'un ciel nouveau et d'une terre nouvelle. Ce que mon parcours, somme toute assez banal, m'a appris, c'est que, après tant d'autres, je m'étais laissé égaré par les préjugés de l'époque parce que l'on peut appeler l'aveuglement des lumières. Je voyais dans la religion la foi une entrave à la liberté et un obstacle à la vérité. Tout en commandant aux hommes de se soumettre sans réserve à un autre transcendant, elle leur ordonne d'obéir aux autorités établies et ainsi de consentir à l'ordre injuste du monde. Comme cet autre n'existe pas, comme chacun sait que Dieu est mort, il s'agit d'une mystification idéologique, d'une illusion sans avenir, d'autant plus dangereuse qu'elle favorise l'intolérance et le fanatisme, encourage et massacre de toutes les guerres saintes. Ces préjugés que partagent la plupart de nos contemporains en Occident, il est temps de les questionner. La religion se rédit-elle à cette conjonction mortifère de la non-liberté et de la non-vérité. Au moment où il la définissait comme l'opium du peuple, le jeune Marx, plus lucide que tant de marxistes, précisait qu'elle n'est pas seulement une expression de la misère et de l'aliénation, elle est aussi une protestation contre cette misère. Que la religion ne travaille pas forcément à servir les hommes, c'est déjà ce qu'avait découvert Spinoza. Il affirme en effet dans son traité théologico-politique que Moïse a institué une république fondée sur une libre décision du peuple comme dans une démocratie. Que la religion ne soit pas seulement une illusion, c'est ce que pensait le fondateur de la psychanalyse. Pour Freud, cette fiction pieuse comporte un noyau de vérité historique. Dans la mesure où elle est déformée, on est en droit de la qualifier d'illusion. Dans la mesure où elle amène le retour de ce qui est passé, on doit l'appeler vérité. On a affaire à une vérité historique parce qu'elle renvoie à un événement réel dont le souvenir a été refoulé et ne surgit que dans la tradition sous une forme méconnaissable. Dans le cas du judaïsme, Freud soutient que cet événement traumatique est le meurtre de Moïse par son peuple. Même s'il s'agit d'une hypothèse fragile que rien ne vient étayer, sa démarche met en question l'un des principaux préjugés des modernes. Freud nous apprend que dans la religion, il y a de la vérité. C'est cette approche que je veux privilégier. La sortie d'Egypte n'est peut-être qu'une fable et Moïse un héros de légende, mais un événement historique a eu lieu auquel ce nom de Moïse a été associé. Reste à découvrir ce qui s'est réellement passé. Spinoza nous enseigne que les religions ne s'opposent pas toujours à la liberté humaine et Freud qu'elles comportent une part de vérité. Ces deux juifs infidèles se rejoignent sur un point. Tous deux prennent pour fil conducteur l'histoire de Moïse. C'est sur ce chemin que j'ai voulu m'engager. On peut cependant se demander s'ils n'ont pas méconnu un aspect sensuel de son histoire. Dans la Bible, Moïse est présenté d'abord comme le libérateur des opprimés, celui qui, en répondant à l'appel d'un dieu, se confronte aux pharaons pour délivrer les asserviés breus. Or Spinoza ne s'intéresse pas à cette partie du récit car il voit uniquement en lui un législateur, celui qui a donné ses lois à une libre république. Quant à Freud, il écarte avec désavolture tout ce qui concerne l'Exode. Notre reconstitution ne laisse aucune place à plus d'un événement majeur de la narration biblique, tel que les dix plaies, le franchissement de la mer d'Héroso, le don solennel de la loi sur le mont Sinaï. Mais ce fait ne doit pas nous inquiéter. Ce sont pourtant ces épisodes qui distinguent Moïse d'autres fondateurs de religion. Si on ne tient pas compte de son affrontement avec le roi d'Egypte de l'Exode, où il conduit son peuple vers la terre promise, de l'alliance qu'il institue au Sinaï entre ce peuple et son dieu, l'on ne voit plus ce qui donne son caractère singulier à la religion qu'il a fondée. Alors que les autres religions de son temps, comme celle de l'Egypte ou de Babylone, sont au service des rois dont elle légitime le pouvoir, le dieu qui se révèle à Moïse l'appelle à libérer les Hébreux de la tyrannie du Pharaon. Avant les temps modernes, aucune autre doctrine religieuse, aucune théorie politique ou philosophique n'a enseigné, comme le fait la Torah, que la soumission n'est pas un destin, que les inservis ont la possibilité de se soulever contre leur maître et de marcher vers une terre de liberté. La religion dont on attribue la fondation à Moïse diffère tellement des autres que l'on peut la désigner comme une contre-religion. J'emprunte cette notion à un historien de la religion, J. Asman. On objectera peut-être que cette libération ne concerne qu'un seul peuple. Le judaïsme n'offrirait aucun message d'espérance aux autres peuples et il faudrait attendre l'avènement de religions à vocation universelle comme le christianisme pour que la révélation monothéiste puisse s'adresser à tous les hommes. Et pourtant, dans la Torah, le dieu de Moïse est présenté comme le libérateur non seulement des Hébreux mais de toute l'humanité, comme il le déclare par la voix d'un de ses prophètes. Il arrivera que je répandrai mon souffle sur toute chair, sur les inservis. Sur les inservis, en ces jours, je répandrai mon souffle. Celui qui invoquera le nom de Jehovah sera sauvé. Joël chapitre 3 verset 1 à 5 Le dieu partage son souffle avec les inservis, avec tous les hommes qu'il invoque et au-delà des limites de l'humanité, avec toute chair vivante. Ce qui explique qu'au cours des siècles, tant d'opprimés se soient identifiés aux Hébreux captifs en Égypte comme le montrent les champs des esclaves noirs d'Amérique. Quand Israël était en terre d'Égypte, opprimé si durement qu'il ne pouvait le supporter, le Seigneur dit « Go down, Moses ». « Va, Moïse, descend en terre d'Égypte. » « Dis à tous les pharaons de laisser partir mon peuple. » C'est au récit de l'Exode que se réfèrent les sermons de Savonarole, les paysans allemands en guerre contre leur Seigneur, les insurgés des révolutions anglaises et américaines, ou bien, plus près de nous, les inspirateurs de la théologie de la libération. Lorsque le prophète de l'Islam mène ses premiers fidèles loin de leur persécuteur en les conduisant à travers le désert d'Hermédine, il rejoue à sa manière l'histoire de Moïse. L'Exode ne se limite pas à son contexte historique en traversant les siècles et est devenu un exemple à imiter, un paradigme de politique révolutionnaire. Qu'est-ce qui lui a donné une tête portée ? Est-ce son noyau de vérité historique qui a permis à tant d'hommes de se reconnaître dans ce récit parce qu'ils subissaient les mêmes épreuves et se posaient les mêmes questions que les Hébreux ? S'il existe une Bible souterraine, celle des dissidents et des rebelles, il doit être possible de la décrypter en repérant par l'exégèse les fragments brisés d'une subversion étouffée ou impossible à faire taire. Peut-être ces textes nous partirent encore d'une autre manière. En rédigeant ce livre durant les périodes du confinement auxquelles nous a condamné le Covid, je me suis demandé si le monde où vivait Moïse, un monde affecté par une crise dévastatrice due à des changements climatiques, des migrations, des épidémies, ne ressemblait pas étrangement au nôtre. La question que le peuple de Moïse a apportée jadis à cette crise, se pourrait-il qu'elle garde aujourd'hui encore une valeur exemplaire ? Ce qui est en jeu est la relation complexe qui se noue entre religion et émancipation. Mais avons-nous le droit de parler de la religion en général, comme si elle possédait une essence unique entre le Dieu qu'invoquent les opprimés et ceux qui consacrent le pouvoir des conquérants et des rois qui étaient les communs ? Le moment est venu de reconnaître que la religion n'existe pas, il existe des dispositifs religieux. En introduisant le concept de dispositif foucault, le définit comme un ensemble hétérogène de pratiques et de représentations, d'institutions et de discours traversés par des lignes de fracture et confrontés à des résistances qui l'amènent à se modifier. Des dispositifs de pouvoir qu'il a décrits. Je propose de distinguer des dispositifs de croyance, ce que l'on appelle des religions et des idéologies. S'ils se mettent le plus souvent au service des dispositifs de pouvoir dont ils justifient la domination, il existe également des contre-dispositifs qui libèrent les dominés de leur soumission passive au rapport de domination. Dans mes deux précédents livres, j'ai analysé différents dispositifs d'exclusion, de persécution et de terreur. Je voudrais approfondir ici cette analyse en prenant pour objet un dispositif d'émancipation. Chaque dispositif mobilise des schèmes, des représentations imaginaires qui captent les affects des hommes pour les attirer à lui. Il va falloir repérer les schèmes mobilisés par le dispositif mosaïque et avant tout celui de l'alliance, se demander d'où ils proviennent et comment il les a transformés en leur donnant une signification nouvelle. Pour mener à bien cette enquête, suffit-il de se fier à ce que raconte le récit public. Selon la Torah, le peuple des Hébreux descendait d'Abraham qui avait passé autrefois une alliance avec son Dieu. Parce qu'il se souvenait de cette alliance, Dieu leur a envoyé Moïse pour faire sortir d'Égypte son peuple et le ramener à Canaan dans le pays de ses ancêtres. Les Hébreux formaient-ils déjà un peuple lorsqu'ils étaient asservis en Égypte ou le sont-ils devenus en passant alliance avec le Dieu de Moïse ? Canaan était-il vraiment leur patrie d'origine à laquelle ils font retour ? Et sinon, que signifie Canaan et l'Égypte dans ces textes ? Ce Dieu qui se révèle à Moïse, est-ce le même que celui d'Abraham ? L'alliance qu'il passe avec les Hébreux aussi n'a une fait telle que confirmer une alliance plus ancienne. Et d'ailleurs, Moïse a-t-il réellement existé ? Y-a-t-il eu une migration massive de l'Égypte à Canaan alors que l'on n'en trouve aucune trace dans les archives égyptiennes ? À mesure que mon enquête s'approfondissait, j'en venais à mettre en doute les principales affirmations du récit de l'Exode. Si bien qu'en hommage à la déconstruction du christianisme engagé par Jean-Luc Nancy, j'ai été tenté d'intituler ce livre « Déconstruction du judaïsme ». Je ne l'ai pas fait en raison de la signification négative que l'on associe très souvent à ce terme. Il s'agit cependant d'une méprise. La déconstruction n'est pas une destruction mais une démarche affirmative. Elle cherche à découvrir dans une œuvre ou une tradition sa possibilité cachée, à la décrypter en la délivrant de ce qui la dissimule à lui donner sa chance. Dans le cas du dispositif mosaïque, cela implique de repérer son noyau de vérité historique, cet événement oublié qui laisse néanmoins sa trace dans les textes et en dehors d'eux. Ce qui exige de désarticuler le dispositif, de disjoindre ce qui se présentait comme une identité compacte car il y a dans la Torah plus d'une origine, plus d'une alliance, plus d'un peuple et peut-être plus d'un dieu. On pourrait certes décréter comme certains exégètes chrétiens que le récit de l'Exode a uniquement une signification spirituelle. Que la servitude en Égypte est celle de l'homme sous l'emprise du péché. Que la délivrance des Hébreux et leur marche à travers le désert sont des allégories de la rédemption. Que la terre promise où Moïse les conduit symbolise la vie éternelle dans le royaume de Dieu. L'un des plus grands mystiques de l'Islam déclare ceci. Moïse et Pharaon sont en toi-même. C'est en toi que tu dois chercher ces deux adversaires. Cette affirmation de Rumi est profonde et vraie. Elle ne doit pas faire oublier pour autant que le Pharaon dont parle la Bible et le Coran est d'abord le souverain d'un état despotique et Moïse un homme qui s'affronte à lui afin de délivrer ceux qui souffrent sous son joug. Rien n'interdit d'interpréter de manière allégorique ou mystique la sortie d'Égypte. Il faut seulement éviter que ce type d'interprétation ne s'impose comme le seul possible. En y voyant qu'une métaphore du cheminement spirituel, on se prive de toute référence à une expérience historique et une telle interprétation appauvrit le récit de l'Exode. Elle empêche de reconnaître que la servitude des Hébreux est d'abord celle des travailleurs immigrés soumis à d'épuisantes corvées, que Moïse les délivre réellement de leur servitude et que la terre promise de Canaan est une contrée terrestre qu'il est possible de situer sur une carte. L'interprétation allégorique considère les épisodes racontés dans la Bible comme des fictions dont l'assignation authentique serait purement spirituelle ou métaphysique. Lorsqu'il soutient que la compréhension de l'écriture doit être tirée de l'écriture même et non d'une philosophie, d'une théologie dont elle serait l'illustration, c'est à cette méthode que s'en prend Spinoza. Un autre philosophe adoptera une démarche semblable. Schilling critique en effet les lectures allégoriques des mythes et des textes religieux au nom d'une approche qu'il nomme de « totégorique ». Pour lui, les récits de la Bible, comme ceux de la mythologie grecque, ne disent rien d'autre que ce qu'ils disent. Un phénomène religieux n'a pas d'autre sens que celui qu'il exprime et convient de le laisser s'exprimer par lui-même, sans prétendre le délivrer d'une autre ou d'un autre phénomène. C'est cette démarche que je suivrai dans ce livre. Cela ne veut pas dire que la théogonie des iôdes, la Bible ou le courant n'auraient qu'une seule signification à laquelle il faudrait s'en tenir une fois pour toutes. Ce sont les fondamentalistes et les fanatiques qui assignent un sens unique définitif aux textes fondateurs de leur croyance. L'écriture a toujours plus d'un sens et la tradition juive reconnaît cette pluralité des interprétations possibles lorsqu'elle affirme que la Torah a soixante-dix visages. En revenant à la lettre des textes bibliques, il faut s'efforcer de les lire littéralement comme Rimbaud désirait que l'on lise ses poèmes. À sa mère qui lui demandait ce qu'il avait voulu dire, il répondit « j'ai voulu dire ce que ça dit, littéralement et dans tous les sens ». Essayons donc de découvrir ce que le vieux livre a encore à nous apprendre. Oublions le dieu des philosophes et des savants, qui est aussi aujourd'hui celui des psychanalystes, des historiens et des anthropologues. Écartons dans un premier temps les lectures traditionnelles des théologiens tout autant que celles des sciences humaines et cherchons à déchiffrer la lettre des textes. Ce qui vaut pour le dieu de Moïse vaut également pour Moïse lui-même. Considérons-le d'abord tel qu'il apparaît dans la Torah, comme un personnage mis en scène par une narration. Laissons le texte s'expliquer par lui-même, en nous mettant à l'écoute du récit de l'Exode sans préjugé de ce qu'il veut dire. Nous commencerons alors à entrevoir, sous la gangue d'interprétations sédimentées qui la dissimulent, un visage singulier qui fut peut-être celui de Moïse. Celui d'un homme sans nom, déchiré entre deux communautés, entre deux filiations. Un homme étranger à lui-même, qu'un appel venu d'ailleurs va révéler à soi en lui assignant sa mission. Cet appel, il s'agit d'entendre ce qu'il nous dit. C'est la même base, qu'on le veuille ou non. C'est exactement la même chose. Merci. Achetez ce livre. Moïse Linsurger. Publié chez les éditions du Cerf. Écrit par Jacob Rogozinski.

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