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Une émission de france Culture qui nous donne grace à Alexandre De VITRY
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Une émission de france Culture qui nous donne grace à Alexandre De VITRY
A British scientist working at a secret research center on bacteriological warfare died of the plague. This reminds us of the Middle Ages. People from all countries are brothers and different peoples must help each other according to their abilities, like citizens of the same state. Looking at history gives us perspectives on our time, allowing us to think more deeply and see the same problems, as well as the solutions. The concept of fraternity has been uncertain throughout history, but studying its various dimensions reveals insights into society, its balances, and shared or conflicting psychologies. The hope invested in fraternity, in religious, social, philosophical, or military dimensions, reveals much about society's states, its balance, and shared or antagonistic psychologies. The true greatness of the 1948 revolution is the immense hope it generated, the dawn of physical, human, and international fraternity it brought to the world. The concept of fraternity is often invoked tod Le savant britannique qui travaillait au Centre de Recherche Secrète en matière de guerre bactériologique est mort de la feste. Cela nous ramène en plein Moyen-Âge. Les hommes de tous les pays sont frères et les différents peuples doivent s'entraider selon leurs pouvoirs comme les citoyens du même état. Le coup d'œil sur l'Histoire, le recul vers une période passée ou, comme aurait dit Racine, vers un pays éloigné, vous donne des perspectives sur votre époque et vous permet d'y penser davantage, de voir davantage les problèmes qui sont les mêmes et au contraire les problèmes qui vous font tous les solutions. Concordance des temps Jean-Noël Jeanneney Bonjour, la force de l'habitude émousse l'attention et pourtant il est profitable parfois de retrouver l'ingénuité d'une curiosité. Au fronton de nos mairies, la devise de la République tente à perdre de sa force sous nos regards fatigués. La liberté et l'égalité ne sont certes pas toujours honorées de la meilleure façon possible mais ce qu'elles ont à nous dire comme idéaux proclamés paraît toujours assez clair. La notion de fraternité, en revanche, laisse ouverte beaucoup d'incertitudes. Ce flou est né de l'Histoire qui lui a conféré au long des siècles des contenus fort variés. Et c'est donc l'Histoire aussi qui peut lui restituer, comme nous allons nous y employer ce matin, à la fois sa complexité et sa densité. L'espérance dont le principe de fraternité a été investi dans ses dimensions religieuses, sociales, philosophiques ou militaires révèle beaucoup de choses sur les différents états d'une société, de ses équilibres, des psychologies partagées ou antagonistes. Alexandre de Vitry, mon invité, qui est maître de conférence à la faculté des lettres de Sorbonne Université, vient de s'attacher avec brio à ce sujet dans un livre qu'il a construit en remontant loin en arrière et qu'il situe à la rencontre des idéaux proclamés, des pratiques concrètes et des inspirations littéraires. A le lire, on se demande parfois si la fraternité n'est pas frappée de quelques malédictions. On se demande si, tout en tendant ardemment vers l'universel, elle n'est pas vouée à tracer toujours des frontières qui excluent des ennemis contre son ambition même, que ce soit entre les nations qui s'affrontent ou à l'intérieur de celles-ci, dans l'interminable chronique des divisions intestines. On se demande si la fraternité n'a pas dans bien des occurrences, comme ce fut le cas depuis le fond des âges, conduit tout droit vers le fratricide. On admettra peut-être aux demeurants que ce n'est pas une raison pour se laisser décourager. Et pour y contribuer, il est peut-être bienvenu d'écouter Léon Blum en 1948 à propos de l'anniversaire de la grande révolution de février 1948 qui fut un moment essentiel, le moment fraternité a-t-on pu dire. La véritable grandeur, la grandeur inspirissable de la révolution de 1948 et de la deuxième république, c'est l'espérance immense qu'elle a suscité, c'est l'aurore de fraternité, de fraternité physique, de fraternité humaine, de fraternité internationale qu'elle a fait lever sur le monde. Lamartine, dans un texte cité par Georges Bourgin, a dit, la république est une surprise dont nous avons fait un miracle. Elle n'était une surprise qu'en apparence et le miracle n'a pas été accompli. Mais le miracle a été annoncé. Il a été préparé pour d'autres choses et l'immense espérance n'est pas de sa seule. Bonjour. Bonjour. Le miracle n'a pas été accompli en 1848. Cent ans plus tard, Léon Blum paraît un peu plus optimiste. Le serait-il aujourd'hui ? Je pense qu'il le serait encore plus peut-être qu'en 1948. 1948 était déjà un moment d'espoir, d'ailleurs c'est le moment de la déclaration universelle des droits de l'homme. On a voulu renouer avec les aspirations les plus généreuses du politique en sortant de la seconde guerre mondiale. Cette déclaration universelle qui d'ailleurs comporte le mot de fraternité contrairement à notre déclaration de 1789. Tout à fait. Elle marque le saut d'un espoir plus fort encore que celui de 1789 et puis cet espoir là d'après-guerre s'est un peu étiolé à son tour. Et aujourd'hui au XXIe siècle il renaît encore et je crois que Léon Blum serait de ceux qui parmi les nombreuses voix qui s'élèvent aujourd'hui veulent à nouveau réclamer la fraternité, y croire encore. Quelques signes d'ailleurs sont assez positifs. Je pourrais remonter à Ségolène Royal, candidate disant fraternité, fraternité, mais plus récemment on a vu le conseil constitutionnel par exemple agréer l'idée de fraternité qui est dans la devise nationale donc dans la constitution pour s'en servir au profit d'une défense d'un certain nombre de droits individuels qu'il n'aurait peut-être pas défendu de la même façon précédemment. Certes, mais en même temps à chaque fois qu'on se ressaisit de la fraternité, que ce soit Ségolène Royal ou le conseil constitutionnel récemment, c'est pour répondre au sentiment que la fraternité manque dans le contemporain. La fraternité dans le cadre de la crise migratoire c'est justement parce que devant tant de misères, tant de manque de solidarité concrète, il faut proclamer ce principe dans l'espoir de la relancer. Vous dites quelque part dans votre beau livre Alexandre de Vitry, si la fraternité est partout c'est qu'elle craint de naître nulle part. Voilà. Elle est d'autant plus importante dans le discours qu'on a peur qu'elle soit absente de la réalité. Il y a quand même quelques signes positifs. Je pense aussi au cas de Cédric Héroux, cet agriculteur de la vallée de la Roya qui après cinq comparutions devant la justice a obtenu finalement d'être blanchi de l'accusation d'avoir défendu un migrant en situation irrégulière. Et oui, il l'a été au nom de la fraternité justement. C'est là donc en effet une pratique mais une pratique individuelle, modeste en quelque sorte. Et c'est toujours là qu'est le véritable espoir de la fraternité. C'est dans des pratiques à échelle humaine disons, inter-individuelles, dans des agissements de quelques-uns. Et en effet si un espoir peut se faire sentir aujourd'hui dans l'ordre de la fraternité c'est là, dans ce genre de pratiques là. Je voudrais que nous remontions, comme vous le faites, loin en arrière jusqu'à l'Ancien Testament. On pourrait remonter aussi à la Rome Antique avec Rémus et Romulus. Mais enfin l'Ancien Testament est très riche de force et d'ambivalence. Absolument, il y a des grands couples de frères bien connus dans l'Ancien Testament avec le plus emblématique d'entre eux qui est le couple d'Abel et Cain, le premier fratricide qui est aussi le premier meurtre d'ailleurs. Et ensuite des fratricides plus symboliques mais qui jalonnent l'Ancien Testament, en particulier la Genèse, avec des rivalités fraternelles très fortes. Il y a celle de Jacob et Esaü et puis celle de Joseph et ses frères qui moi m'a beaucoup intéressé parce qu'en fait elle est une espèce de méditation et de commentaire dans un récit du fratricide d'Abel et Cain et d'une réflexion sur la façon dont on peut en sortir. Joseph et ses frères c'est une réflexion sur les possibilités offertes à l'humanité de dépasser la rivalité entre frères. A cause de l'histoire égyptienne, le moment égyptien et de l'histoire de Jacob, c'est à cela que vous faites allusion ? Tout à fait. Joseph, l'avant dernier enfant de Jacob, dans cette grande fratrie des douze fils de Jacob, va être jeté dans un puits parce qu'il est le préféré. Mais au bout du compte, c'est lui qui s'en tire le mieux, qui devient une espèce de premier ministre de Pharaon. Et lorsqu'il retrouve ses frères, ceux-ci ne le reconnaissent pas, le croient mort et c'est lui qui va les reconnaître et en quelque sorte les sauver de leur propre tentation fratricide. C'est un texte très ambigu, très complexe, très beau de Joseph et ses frères qui constitue une étape intermédiaire particulièrement forte entre l'idée du fratricide fondateur et l'idée de la rédemption dans le Christ par la fraternité qui n'est plus le fratricide et qui viendra bien plus tard dans l'Ancien Testament, dans le Nouveau Testament. C'est dans la Genèse qu'on peut lire la voix du sang de ton frère crie du sol vers moi. Oui, le frère est d'abord un motif de meurtre, de violence et le sang de la famille, ce n'est d'abord pas le sang qu'on partage en tant que fils et fille d'un même père et d'une même mère, c'est d'abord le sang qu'on verse. Ce n'est pas indifférent de savoir qu'une pièce intitulée La Mort d'Abel avait un grand succès à Paris en 1792 et naturellement nous aurons à parler de la Révolution tout à l'heure. Tout à fait, c'est un des grands succès dramatiques de cette période de la Révolution, la pièce de Le Gouvet qui est moins connue bien sûr aujourd'hui mais qui à l'époque est un grand succès populaire qui montre de manière assez manifeste que l'inconscient fratricide de la Révolution est finalement assez conscient en réalité pour tous les esprits de l'époque. Ça c'est une annonce de ce que nous dirons tout à l'heure, une sorte de bande-annonce. Mais je voudrais pour l'instant que nous attardions un instant, Alexandre de Vitry, sur l'opposition entre l'Ancien Testament et le Nouveau Testament. Qu'est-ce qu'apporte en particulier Jésus à cet égard ? La notion des frères dans le Nouveau Testament est essentielle, la fraternité. Jésus introduit quelque chose de nouveau par rapport à tous les usages antérieurs dans la Bible. C'est qu'il y avait des usages généreux du mot frère avant Jésus qu'on pourrait appeler des usages élargis, c'est-à-dire que le frère n'est pas seulement le frère de même père et de même mère mais le cousin, le membre de la même tribu, le membre d'un peuple. Ce qu'on appelle en figure de style une métonymie, c'est-à-dire la partie pour le tout. Avec Jésus, on n'est plus dans la métonymie, on est dans la métaphore. Jésus dit « n'importe qui peut être mon frère s'il me suit ». La fraternité devient quelque chose qui casse le modèle familial. Aujourd'hui, on a tendance à beaucoup associer la religion chrétienne à la défense des valeurs familiales, de la tradition familiale, mais quand on regarde le discours de Jésus dans les Évangiles, c'est plutôt l'inverse. Il s'agit de pulvériser ce modèle-là pour un nouveau modèle qui va passer par le baptême, par la foi dans le Christ, par tous les enseignements des Évangiles. Certains ont noté qu'après la résurrection, ce n'est pas vers ses frères ou soeurs ou vers sa mère que va Jésus, mais vers ses disciples qu'il appelle ses frères. Tout à fait. Et puis il y a dans l'Évangile selon saint Matthieu un usage aussi un peu unique et qui est voué à une grande postérité où Jésus dit « mes frères », c'est-à-dire les plus petits. Le frère devient non pas seulement n'importe qui, mais celui qui souffre, celui qui est menacé, celui qui est en danger. Et cet usage-là est complètement nouveau. Et là, il y a une amorce de quelque chose qui va prendre beaucoup d'ampleur ensuite et jusqu'à encore aujourd'hui, des certains discours contemporains qui se ressaisissent de la fraternité. Pour arriver jusqu'à nous, il faut passer par un certain nombre d'étapes et en particulier je pense au père de l'Église. Je voudrais que vous nous disiez un mot de ce qu'exprime à cet égard saint Augustin. Oui, Augustin dans la cité de Dieu, dans son grand tourage la cité de Dieu, s'intéresse à ses couples de frères justement. Et il intègre d'ailleurs Rémus et Romulus. Il ne s'agit pas seulement d'une histoire biblique, mais d'une histoire mondiale, dirions-nous aujourd'hui. Et en fait, ce que saint Augustin résume, c'est un peu ce que nous commencions à dire. C'est-à-dire que les rivalités terrestres par le sang, par la famille, sont vouées à la rivalité et même à la destruction. Et il y a des étapes possibles vers une fraternité céleste, une fraternité dans le Christ et dont les différents couples de frères dans l'histoire donnent l'image. Rémus et Romulus, c'est l'image de ce qu'est l'histoire humaine sans le Christ. Abel et Cain, c'est en quelque sorte Abel, un frère qui est plus proche du monde du ciel, qui se fait tuer par le frère qui vit selon la cité terrestre, selon la cité des hommes. Il y a une sorte de lecture de tous ces petits couples pris dans ce que René Girard appellerait la rivalité mimétique. On est vraiment dans ce genre d'univers, de logique-là. Et l'histoire humaine est la façon dont cette rivalité peut progresser jusqu'à un amour fraternel qui n'est possible, bien sûr, pour saint Augustin qu'en Dieu. Donc on a le sentiment que la fraternité chrétienne se forme exactement à l'envers de la fraternité humaine et terrestre ? Tout à fait, on peut le dire ainsi. Le Moyen-Âge va le confirmer. Le monachisme, par exemple, se développe sur ce mode. C'est bien sûr un refus du monde qui fonde l'entrée en religion. Et donc également un refus, ce serait souvent de la famille, au sens le plus concret, les frères et sœurs, les parents, au profit d'une nouvelle famille, qui est celle du monastère, qui seul peut donner l'image de ce que sera le monde. C'est celle du monastère qui seule peut donner l'image de ce que sera une société céleste, une société au ciel. Du même coup, la clôture du monastère sépare les frères en tant que tels de l'humanité, frères humains. Tout à fait. Les frères humains qui, au début, pouvaient se dessiner dans les premiers usages du christianisme, parce qu'en fait, tout ça se déroule sur un temps très long, et le mot fraternité dans les premiers siècles désigne plutôt l'église débaptisée, ce qui n'est pas l'universel mais qui s'en rapproche, qui est pris dans une dynamique d'ouverture. Et puis, petit à petit, au Moyen-Âge, le mot frère et le mot fraternité vont désigner des communautés de plus en plus resserrées à l'intérieur du christianisme. Et donc, il y a cette double dynamique, cette double frontière, une frontière qui a tendance à s'étendre, à aspirer à l'universel, et puis une frontière qui se resserre sur un groupe de plus en plus restreint des meilleurs, ou de ce que, bien plus tard, Stendhal appellera des happy few. Il me semble à vous lire que cette tension est continue au long des siècles, lorsqu'on se penche, comme nous le faisons ce matin, sur la notion de fraternité, à la fois mobile et indissoluble. Tout à fait, elle n'est pas propre au christianisme, c'est là qu'elle se manifeste la première fois, peut-être avec le plus de netteté, mais en effet, et je crois que c'est peut-être un secret de la notion, et de ce pourquoi nous y tenons tant, au fond, c'est qu'elle dit ces deux choses-là à la fois. Alors, il convient maintenant de voir ce que le Moyen-Âge a fait de cette notion de fraternité Pour ouvrir ce moment de notre conversation, vous l'attendiez, Alexandre de Vitry, je vous propose la balade des pendus de François Villon, on est en 1489, frères humains qui après nous vivaient, je vous propose une interprétation qui remonte à 1956, et qui est due à Serge Régiani, donc faites vous-même votre anthologie de Philippe Soupault, le grand Philippe Soupault, et Jean Chouquet. Frères humains qui après nous vivaient, N'ayez les cœurs contre nous endurcis, Car si pitié de nous pauvres avez, Dieu en aura plutôt de vous, merci. Vous nous voyez si attachés, cinq, six, Quand de la chair que trop avons nourrie Et des piéçades dévorées et pourries, Et nous les os devenons cendres et poudres, De notre mal personne ne s'en rit, Mais priez Dieu que tous nous veuillent absoudre. Si vous clamez aux frères, Pas n'en devez avoir dédain, Quoique fûmes oxy par justice. Toutefois, vous savez que tous hommes N'ont pas le sens raci. Excusez-nous puisque sommes trancis Envers le fils de la Vierge Marie, Que sa grâce ne soit pour nous tarie, Nous préservant de l'infernal foudre. Nous sommes morts, âme ne nouarie, Mais priez Dieu que tous nous veuillent absoudre. La pluie nous a débués et lavés, Et le soleil est desséché et noirci. Pies, corbeaux, nous ont les yeux cavés Et arrachés la barbe et les sourcils. Jamais, nul temps, nous ne sommes assis, Puis ça, puis là, comme le vent varie, A son plaisir sans cesser nous charrie, Plus becquetés d'oiseaux que des accoudres. Ne soyez donc de notre confrérie, Mais priez Dieu que tous nous veuillent absoudre. Prince Jésus, qui sur tous a maîtris, Garde qu'enfer n'est de nous seigneurie, A lui n'avons que faire, ne que soudre. Hommes, ici n'usez de moquerie, Mais priez Dieu que tous nous veuillent absoudre. Fraternité dans la mort, Alexandre de Bitry. Fraternité devant la mort. Une des premières proclamations d'une fraternité humaine, c'est celle-là, très belle, de Villon, qui va mourir avec ses quelques compagnons, et qui interpelle non pas ses compagnons, justement, sa confrérie, comme il l'appelle aussi dans le poème, mais les frères humains qui l'ont condamné, qui vont le voir mourir. Et il leur rappelle, nous allons tous mourir. Et le Christ est le Christ pour nous tous, même pour moi. Donc, ayez pitié de nous, au nom de la fraternité. Et ça, c'est une fraternité qui a voué une très grande postérité, cette fraternité devant la mort. Et souvent, on en aura l'écho avec les mots même de Villon, qui traversent toute l'histoire de la littérature. Parmi les nombreux exemples, tous très intéressants, il y a le petit livre d'Albert Cohen, qui s'appelle Au vous, frères humains, qui est une très belle évocation, à nouveau, de cette fraternité devant la mort, avec le souvenir de Villon. Mais cette fois, la mort en question, c'est la mort au XXe siècle des camps d'extermination. Une mort beaucoup plus glaçante que celle évoquée par Villon. Mais là encore, il s'agit de dire, nous tous, nous allons mourir. Et c'est peut-être là le secret de la fraternité. Et on voit s'approcher la notion de nature, une inévitabilité naturelle, qui va être à la source, me semble-t-il, d'un certain nombre de mutations dans le regard qu'on jette sur la fraternité, notamment à partir du XVIIe siècle. Il est frappant qu'un homme comme Grotius, le grand juriste néerlandais du XVIIe siècle, insiste sur le fait que ce n'est pas dans le Christ, mais que c'est dans la nature, par la raison, qu'il faut aller chercher les sources d'une fraternité efficace. Tous ces penseurs du droit naturel, comme on les a appelés, ne sont pas des penseurs qui refusent la religion ou qui nieraient l'existence de Dieu, par exemple, mais ils cherchent à fonder la fraternité autrement que seulement en Dieu. Et c'est là, en effet, que quelque chose de nouveau se prépare de façon décisive dans ces siècles-là, au XVIIe, au XVIIIe siècle. C'est l'idée de fonder la fraternité en nature, c'est-à-dire, en fait, non pas tant dans le Christ qu'en Adam, dans la commune humanité partagée par tous. On trouve ça très clairement chez Rousseau, par exemple, puisqu'il écrit ceci, « Par cette religion sainte, sublime, véritable, les hommes, enfants du même Dieu, se reconnaissent tous pour frères et la société qui les unit ne se dissout pas, même à la mort. » Mais il ajoute ceci, « On nous dit qu'un peuple de vrais chrétiens formerait la plus parfaite société que l'on puisse imaginer. Je ne vois, à cette supposition, qu'une grande difficulté, c'est qu'une société de vrais chrétiens ne serait plus une société d'hommes. » On est en 1762, et c'est un extrait du contrat social. Oui, c'est dans le contrat social, c'est le seul moment de ce fameux livre de Rousseau où la fraternité est évoquée, d'ailleurs, de manière tout à fait significative. Dans ce passage, Rousseau dit tout son attachement pour cette notion chrétienne, tout en disant qu'elle est d'autant plus fascinante qu'elle n'est pas de ce monde. Or, c'est ce monde-ci qui intéresse Rousseau avant tout, et la religion civile qu'il va préconiser n'est pas du tout le christianisme en question. Il y a cette religion idéale de la fraternité à laquelle on ne peut que tenir, mais peut-être pour Rousseau que la réalité n'est pas concernée par cette fraternité. Avec une méfiance à l'égard de ce que l'église installée peut afficher quant à la fraternité. Tout à fait, et là, c'est encore, disons, une troisième religion. Il y a le christianisme idéal, la religion civile, et puis il y a l'église. Et là, c'est encore toute autre chose, c'est-à-dire la réalité concrète du christianisme institutionnel qui ne brandit la fraternité que pour faire vivre son tout autre, son contraire. Le XVIIIe siècle propose un autre phénomène qui nous concerne quant à la fraternité, c'est l'émergence de la franc-maçonnerie qui s'appelle frère entre soi, avec des origines qui sont à la fois religieuses, de métier, et aussi déjà une fraternité d'armes, monastique à certains égards, un héritage aussi de la réalité monastique. Dans la mythologie fondatrice de la franc-maçonnerie, il y a en effet toutes ces fraternités, des fraternités des croisades, aux fraternités de métier, de maçons précisément, et bien sûr un héritage chrétien. On oublie parfois peut-être que la franc-maçonnerie, lors de son émergence, est très fondamentalement associée au christianisme. Les juifs sont souvent exclus des loges au XVIIIe siècle, et donc c'est une sorte de récapitulation qui s'opère dans le langage maçonnique naissant de toutes les formes que la fraternité a prises, c'est toutes les façons dont on peut nouer des liens, fraterniser autrement que par les seuls liens du sang, que la franc-maçonnerie veut essayer d'explorer. Avec en particulier la fraternité de métier qui va être si importante au XVIIIe siècle, avec les corporations dont la révolution voudra faire litière. Oui, tout à fait. Nous commençons à parler un peu de la révolution au passage, mais le... Pas au passage, on va y arriver. Les fraternités de métier sont un enjeu important dans les discours parce qu'elles sont les plus tangibles, les plus concrètes. Certains, d'ailleurs, dans les milieux parfois les plus conservateurs, et par la suite c'est quelque chose qui va continuer dans les discours, revendiquent justement des fraternités de cet ordre contre des rêves trop abstraits, trop chimériques. Et la révolution, elle, au contraire, dans son geste de lutte contre les corporations, veut s'accaparer de cette fraternité. La fameuse loi Le Chapelier qui met fin à ces corporations. Tout à fait, donc, qui incarne ce qu'on appelle parfois cet esprit jacobin, très unitaire. Il faut faire venir la fraternité d'en haut, donc il faut supprimer ces fraternités d'en bas venues de trop loin. Alors nous allons voir si la révolution est vraiment un triomphe de la fraternité dans toute son ampleur, ou au contraire, si on trouve déjà des résistances ou des ambiguïtés qui marquent continuellement l'histoire de cette notion. On peut néanmoins commencer en citant Roland, grand révolutionnaire, qui en septembre 1992 a cette formule « Vous allez, messieurs, proclamer la République, proclamer dont la fraternité ce n'est qu'une même chose. » En 1992, au moment où naît la première république, la fraternité et la république c'est la même chose, cela veut aussi dire nous sommes débarrassés de la paternité. La paternité du roi. Cette fraternité qui s'était nouée en 89 reposait encore sur une figure paternelle de plus en plus ambiguë, incertaine. Parce que Louis XVI parlait déjà ou encore de fraternité, dans le moment où il a pu continuer à croire à une monarchie constitutionnelle. Tout à fait, lors de la fête de la fédération en 1790, il se présentait comme père, frère et ami. Mais justement, dans une situation un peu d'hésitation, qui malheureusement sera tranchée de manière violente pour ce pauvre Louis XVI. Mais quoi qu'il en soit, la fraternité de 1792 se fonde sur cette éjection assumée du père. Et ça d'ailleurs, ça se retrouve tout à fait de façon explicite dans les discours de certains, chez Robespierre exemplairement. Il s'agit d'une fraternité qui se passe de cette fondation dans le père. Il y a la patrie, il y a encore des formes de transcendance, et puis il y aura le culte de l'être suprême. Mais dire la république c'est la fraternité, justement, c'est proclamer une forme d'horizontalité du politique. Et c'est le moment où prospère la formule fameuse, pour saluer l'autre, salut et fraternité. Oui, c'est partout dans les correspondances de la révolution française, c'est la façon dont on s'alpague au quotidien, frère et ami, salut et fraternité. On trouve à ce moment-là, déjà la tension, ou encore la tension, entre l'idée qu'être frère, c'est se rassembler contre les autres, ou au contraire, aspirer à l'universel. A cet égard, on ne peut pas faire l'économie d'un discours de l'admirable Abbé Grégoire, qui a plaidé à la fois pour une idée moderne de la laïcité, et comme vous savez, pour la défense des noirs. Écoutez donc cet extrait. Il est lu ici par Bernard Joanneau sur France Culture, le 3 décembre 1989, au moment du bicentenaire. Sont-ils des hommes, les habitants noirs de l'Afrique, ou ne le sont-ils pas? Sont-ce quelques espèces étranges, qui en raison de leur forme tiennent une place entre l'homme et l'orang-outan? C'est pour l'homme que je plaide. C'est pour des hommes, que quelques-uns de vos concitoyens, par fourberie et par violence, enlèvent dans quelques cantons de l'Afrique pour les jeter dans vos colonies en Amérique, pour les faire gémir pendant toute leur vie dans vos champs. C'est pour ces victimes, pour vos frères, que je plaide. Nous devons faire savoir que nous abhorrons l'idée d'avoir donné une Constitution, laquelle portera en face le témoignage de liberté, égalité, fraternité, et dans laquelle nous légitimerions des actions tout à fait contraires, des actions que l'humanité entière déteste. Et vous accepteriez une Constitution, et vous ne mettriez pas un terme raisonnable à tant d'atrocités, et vous accepteriez une Constitution, laquelle, en donnant vos droits, vous garantit votre bonheur, tandis qu'elle ne porterait aucune phrase, par laquelle cesserait un jour toutes ces horreurs, horreurs commises sans relâche sur des millions de vos semblables, commises impunément par vos concitoyens. L'abbé Grégoire se pose exactement là, dans le refus de cette contradiction entre la tension vers l'universel et l'idée que la fraternité ne peut toujours se définir qu'en excluant tout ce qui sort du champ de son efficacité, de son rayonnement. Oui, il y a dans la Révolution française un tir à aimant entre deux directions, comme dans le christianisme, même peut-être de façon encore plus éclatante, et l'abbé Grégoire est un de ceux qui veut surmonter cette contradiction. C'est d'ailleurs souvent le cas chez les prêtres patriotes, qui sont les héritiers d'une certaine éloquence chrétienne, et l'abbé Grégoire, qui est un des grands défenseurs d'une égalité humaine, d'une fraternité humaine, a notamment mobilisé tout ce vocabulaire fraternel dans sa lutte contre l'esclavage. Donc, Grégoire est un de ceux qui veut donner à la fraternité toute la générosité possible, l'illimiter au maximum, seulement justement, s'il a tant besoin de rappeler cette dimension-là, ce qu'on entendait bien dans l'archive que nous avons écoutée, c'est que, au même moment, la fraternité a tendance à se resserrer, puisque la fraternité, c'est la fraternité des patriotes à l'exclusion de tous les ennemis de la Révolution, qui sont de plus en plus nombreux à mesure que les quelques années de la Révolution française passent, jusqu'à produire une fraternité de plus en plus réduite, où celui qu'on va mener à la guillotine est précisément non pas l'ennemi fondamental de la Révolution, mais le frère de la veille, qui s'est avéré un faux frère, et qui nous mène au fratricide. Et donc, en 1794-1795, dans la période qui succède à la terreur, ce qu'on appelle Termidor, le mot qui est sur toutes les lèvres, c'est que la Révolution a été fratricide au nom de la fraternité. C'est le moment où Louis-Sébastien Mercier attribue à Champfort, le moraliste, ce mot resté fameux, « Sois mon frère, ou je te tue ». Mot qui est, en fait, une glose d'une autre formule, elle aussi bien connue, la fraternité ou la mort. Formule qui, en fait, déforme un peu la réalité, puisque cette formule tronque une formule plus longue qui était liberté, égalité, fraternité, ou la mort. Et qui, de plus, joue un peu sur les mots, puisque cette mort-là, c'était la mort de l'énonciateur, c'est-à-dire qu'on disait « je défendrai la liberté et la fraternité jusqu'à ma propre mort ». Mais ce que Champfort fait entendre, c'est que désormais, on a inversé le sens de la formule, c'est « fraternité ou je te tue, toi qui m'écoutes ». Il est d'ailleurs notable que la devise républicaine, liberté, égalité, fraternité, ne s'établit définitivement qu'en 1848. Pendant la période révolutionnaire, il n'y a plus de flottement. Oui, il y a quelques frémissements, on voit quelques premiers alignements des trois termes entre eux, mais aucunement une constitution en devise de manière explicite et solide, comme ce sera le cas plus tard. Sans doute à cause de la conscience très aiguë qu'on a alors des contradictions de cette notion. Le XIXe siècle apporte pour cette histoire de la fraternité à laquelle nous nous attachons ce matin Alexandre de Vitry des bouleversements majeurs avec une contradiction entre le refus de la monarchie constitutionnelle, restauration, monarchie de Juillet, de cette notion qui recule beaucoup du côté du pouvoir public et néanmoins la préparation de sa parousie, de son émergence en 1848, dans un certain nombre d'oeuvres qu'il faut restituer, je pense notamment aux socialistes dits utopiques. Oui, il y a plusieurs canaux qui expliquent cette résurgence de la fraternité qui va connaître un âge d'or au milieu du XIXe siècle. Un premier canal, c'est la multiplication des histoires de la Révolution française, c'est-à-dire qu'on essaye, en faisant l'histoire de la Révolution française, avec quelques exemples particulièrement connus comme Michelet ou Louis Blanc, de séparer le bon grain de l'ivraie en quelque sorte et de se réconcilier avec cette fraternité, avec celle de l'abbé Grégoire, justement, dont nous parlions. Et puis il y a cet autre canal que vous mentionniez, donc ceux que Marx et Engels appelleront les socialistes utopiques, qu'on peut appeler plus simplement les réformateurs sociaux. Voilà, donc Saint-Simon et beaucoup d'autres à sa suite, Pierre Leroux et d'autres encore. On dit aussi pré-marxiste, ce qui n'est pas très malin, c'est ces téléologiques qui ne savaient pas même que c'était avant Marx. Tout à fait, mais comme si, une fois Marx venu, il ne pouvait plus y avoir d'autres alternatives socialistes au XIXe siècle. Bon, bien sûr, c'est insatisfaisant, mais de toute façon, ils sont divers, ils sont pluriels, c'est en tout cas un moment d'imagination sociale très foisonnant, très fort, et dans ce moment, la fraternité se met à occuper une place centrale. Il s'agit pour ces penseurs de penser en même temps le social et le religieux ou de penser le social de la même manière qu'on penserait le religieux. Il s'agit d'une espérance, justement, qui fait descendre sur Terre, en quelque sorte, ce qui jusque-là a été cantonné comme une espérance vers le ciel, une espérance eschatologique. C'est ça, c'est la grande opération qui se joue chez la plupart de ces auteurs et jusqu'à Marx, dans une certaine mesure, d'ailleurs. On leur attache aussi, d'ailleurs, à la foi que l'on porte en direction du progrès technique chez les Saint-Simoniens. Écoutez ces deux extraits de Saint-Simoniens mineurs, mais révélateurs. D'abord, Gabriel Goni, qui est un poète ouvrier, c'est un extrait du cabinet de curiosité de Lise Andriès sur France Culture en juin 1998. Il n'y avait plus de mur d'enceinte, ni de frontières fortifiées. Des routes joignaient de vastes et beaux domaines, illustrés, d'édifices pour tous, de part et non dédiés de la sagesse, en sorte que l'ensemble incalculable de ces demeures unitaires, rattachées entre elles par les puissantes beautés de la nature, ne formait qu'une cité nommée Libéry. Le reboisement du sol et l'irrigation des eaux avaient purifié l'air en fortifiant la végétation, et les êtres, chacun élevé dans les principes d'un amour général, protégeaient la vie en aidant au développement des choses. Alors, une langue universelle unissait tous les hommes qui, conservant toujours la magnifique et riche diversité des idiomes nationaux, étaient convenus d'avoir deux jouissances de communion, la langue de la patrie et la langue collective. Cette faculté de s'entendre aplanissait l'aprôté des rapports de peuple à peuple, en chassant les ténèbres. Ce texte, naturellement, s'inscrit dans la suite des nombreuses utopies qui marquent l'époque. L'Ikari de Cabey est également un maître au même chapitre, mais je voudrais aussi vous faire entendre, pour rejoindre l'idée technique, Savignin La Pointe, qui est un poète chansonnier. C'est un archive tiré de la même émission. Peuple, savez-vous ce que dit ce rapide convoi qui passe, ce feu déroulé dans l'espace sous le ciel éclatant qui rit ? Savez-vous ce que dit au monde cette fumée en s'envolant, la locomotive en roulant sur la terre toujours fécondite ? Tout cela dit fraternité. Peuple, confondez vos langages. Monde rapproche tes rivages. La vapeur, c'est l'humanité. Savignin La Pointe, 1844. Là, nous sommes dans la perspective de tous ceux qui, au long des âges, ont pensé que le progrès allait adoucir beaucoup la vie même de l'humanité. Et à la fin du XIXe siècle, on voit des chimistes expliquer que puisqu'on pourrait faire circuler des avions au-dessus de la planète, chacun se connaitrait mieux et qu'on arriverait à une paix universelle. C'est un peu le même chapitre. Oui, nous avons un peu perdu de cette foi aveugle en la science qui caractérise beaucoup d'esprits au XIXe siècle. Qui peut rejoindre la fraternité, notre thème, à certains égards. Oui, qui peut rejoindre tout à fait la fraternité dans cette imaginaire de circulation, d'électricisation, en quelque sorte, des consciences. Tout cela, c'est cette même imagination politique. C'est un moment d'imagination qui ne concerne pas seulement quelques grands penseurs en vue, mais toutes sortes de gens. Les deux personnes qu'on a entendues, je crois que ce sont dans les deux cas des archives que Jacques Rancière a mises au jour dans ses travaux de la Parole ouvrière et dans La nuit des prolétaires, et qui justement a montré que cette imagination traversait différentes couches de la société et notamment le milieu ouvrier auquel s'est intéressé Rancière et pas seulement les sphères qu'on appellerait aujourd'hui les sphères intellectuelles. C'est ce qui caractérise cet esprit des années 30 et 40 du 19ème siècle qui vont mener à la révolution de 1848 qui est si particulière dans son esprit à cause de cette imagination sociale généralisée. Et qui s'affirme en même temps contre les penseurs, les Bonnald, les Joseph de Mestre qui ironisaient beaucoup sur la fraternité révolutionnaire. Je pense aussi à Chateaubriand qui dénonçait ses athées révolutionnaires qui vous appelleraient mon frère en vous égorgeant. On retrouve Chanfort. Tout à fait, Chateaubriand pouvait défendre une forme de fraternité dans la mesure où elle était fondée dans le Christ mais seulement celle-là. Et dans le cas de Bonnald penseur traditionnaliste contre-révolutionnaire qui a beaucoup compté dans les premières décennies du 19ème siècle et bien la fraternité détruisait la paternité qui était la bonne métaphore familiale pour parler de la société. Les compagnons du Tour de France du côté des ouvriers fournissent aussi une des sources de cet épanouissement de 1848. Tout à fait, dans une rhétorique qui est assez voisine de celle de la franc-maçonnerie, du reste et du milieu ouvrier dont nous parlions à l'instant, le compagnonnage où on se cherche des frères mais avec beaucoup d'ambivalence puisque il y a aussi beaucoup de violence à ce moment-là associée au monde des compagnons puisque les membres du devoir concurrent, les devoirs c'est les groupes de compagnons, sont l'objet d'attaques, de violences donc là encore la fraternité se retrouve frappée d'ambiguïté. Fratricide. Néanmoins en 1848, on voit émerger cette conviction entre février 1848, c'est-à-dire le renversement de la monarchie Louis-Philippard, de la monarchie de Juillet et les journées de juin où on écrase le peuple de Paris qui met fin à cette parenthèse enchantée. En 1848, il se joue quelque chose qui en quelque sorte rend très explicite, manifeste immanquable des phénomènes qui jusque-là étaient beaucoup plus subtils, souterrains ambigus dans les discours, c'est-à-dire qu'il y a deux fraternités qui s'opposent l'une à l'autre et cette disjonction entre février et juin rend tout cela éclatant. C'est-à-dire qu'en février, c'est sans doute le moment de l'histoire de France récente où on a le plus cru à la fraternité et celui qui programme la République c'est Lamartine, c'est un poète, ce qui dit bien l'aspect lyrique de cette pensée fraternelle et même fraternitaire comme on commence à dire alors et juin, et bien avec la répression par un pouvoir non plus monarchique mais républicain du peuple de Paris et bien tous ses espoirs sont déçus, sont trompés et le mot qui domine cette fois le discours c'est un mot que nous avons déjà prononcé plusieurs fois c'est le mot de fratricide. Lamartine lui-même qui a été le ministre des affaires étrangères de 1848 dès 1841 offrait ses vers déchirait ses drapeaux une autre voix vous crie l'égoïsme et la haine ont seul une patrie la fraternité n'en a pas et en 1848, je sais combien il est difficile à définir ce mot magique de fraternité que nous avons emprunté à l'évangile de la religion pour le jeter dans l'évangile de la politique afin qu'il y germe avec les vertus et avec une efficacité nouvelle dans nos institutions futures le temps où l'on croit à l'institutionnalisation possible de tous ces espoirs c'est à dire que la fraternité va permettre de surmonter des antagonismes apparemment indépassables, c'est à dire un antagonisme social entre riches et pauvres ou entre bourgeois et travailleurs un antagonisme international entre nations et un antagonisme également entre chrétiens et républicains ou anticléricaux ou forces religieuses nouvelles, romantiques et c'est tout ça qui va être déçu à Lamartine on peut opposer une autre figure qui est peut-être un peu son envers qui est la figure de Marx puisque Marx justement en 1948 va développer de manière très précoce une critique de la fraternité très sévère devant les événements de Paris en disant justement non seulement que la fraternité s'est trouvée interrompue par la répression de Juin mais que Juin est le produit de Février c'est à dire que d'avoir trop cru à la fraternité on arrive au fratricide d'avoir nié l'existence de la lutte des classes des antagonismes sociaux on arrive à la guerre civile vous citez le livre de Marx les luttes de classe en France où il écrivait de fait la fraternité cette fraternité des classes opposées dont l'une exploite l'autre cette fraternité proclamée en Février inscrite en majuscule au fronton de Paris sur chaque prison sur chaque caserne son expression vraie, pure, prosaïque c'est la guerre civile la guerre civile sous sa forme la plus effroyable entre le travail et le capital cette fraternité flamboyait à toutes les fenêtres de la capitale le soir du 25 juin quand le pari de la bourgeoisie illuminait pendant qu'agonisait dans le feu le sang et la douleur le pari du prolétaire tout est dit non ? tout est dit ce sont des pages vraiment magnifiques glaçantes de Marx très précoce je disais c'est le premier à développer une critique de ce type c'est à dire ce que j'appellerais une critique de gauche de la fraternité voilà Marx a un peu inventé cette critique et d'ailleurs le mot frère va disparaître du vocabulaire marxiste alors que le jeune Marx s'intéressait à la fraternité et d'ailleurs dans les milieux marxistes et communistes par la suite c'est comme camarade qu'on s'interpellera et plus comme frère on commence de parler en 48 de sororité c'est le problème nous n'avons pas encore évoqué cela la fraternité c'est un mot d'homme alors certains proposent l'adélphité du mot grec Adélphos qui est plus large certaines voix émergent dès la révolution de 48 pour dire que c'est un peu trop masculin de parler de fraternité oui c'était déjà d'ailleurs le cas lors de la révolution française elle aussi Olympe de Gouges et d'autres encore voient dans cette idée de fraternité une notion à nouveau ambiguë c'est à dire que la fraternité c'est aussi un mot qui peut dire une sorte d'ouverture intersexe d'ouverture du corps politique au delà du seul peuple des hommes mais justement comme vous l'avez dit dans sa formation même ce mot est marqué par le masculin la fraternité est virile par sa racine même et par là pose un problème en quelque sorte indépassable et qui nous occupe encore aujourd'hui avec ces deux termes de sororité et d'adélphité que vous avez mentionné mais l'un la sororité qui d'ailleurs a un peu plus pris dans les discours qu'adélphité parce qu'il y a un radical qui nous est tous familier mais la sororité reconduit en quelque sorte de façon symétrique le mécanisme d'ouverture et de fermeture de la fraternité parce que la sororité va exclure ceux qui auparavant excluaient les femmes, les hommes alors qu'adélphité donne en quelque sorte l'espoir d'un dépassement dans disons le neutre de cette exclusion mutuelle mais il prend moins tout ça en tout cas nous montre cette espèce de lutte un peu dans le langage aujourd'hui que ces problèmes sont très vifs très actuels et qu'ils nous concernent au premier chef Alexandre de Vitry spécialiste de littérature, de l'histoire littéraire donc je voudrais que nous nous attachions pour finir à la fin de cette émission à un certain nombre de reflets dans la grande littérature de cette question de la fraternité dont nous parlons ce matin et bien sûr il faut s'attarder un moment sur Victor Hugo comme vous le faites dans votre livre Les Misérables c'est un livre qui a été commencé avant 48 et achevé après après une longue interruption en effet et donc il y a deux campagnes d'écriture comme on dit des misérables qui d'abord s'appelaient les misères et Victor Hugo qui achève les misérables n'est pas du tout le même que celui d'avant 1848 le contexte de l'écriture de ce livre est vraiment capital c'est Victor Hugo exilé pendant le second empire qui écrit et publie les misérables et il écrit un livre qu'il présente comme un grand livre de la fraternité un livre ayant pour base la fraternité c'est sa formule et qui est écrit au moment où plus personne ne croit à la fraternité après juin 48 précisément il dit lui même les misérables ont la fraternité pour base et le progrès pour cime dans une lettre à Lamartine ce qui n'est pas anodin pour le sujet qui nous occupe en 1862 au moment de la publication du roman le livre est donc une réponse un peu comme ce que nous disions au début de l'émission à l'inactualité de la fraternité c'est parce que le monde dans lequel vit Napoléon est privé de la fraternité qu'il faut écrire les misérables c'est à dire rendre la fraternité au mythe redonner la possibilité à l'avenir qu'elle réémerge dans la vie c'est d'abord la faire vivre dans un roman avec l'ampleur du mythe et vraiment s'il y a bien un roman de cette époque là qui a quelque chose d'une nouvelle mythologie c'est bien les misérables vous nous incitez évidemment à ce que nous tenions à entendre un extrait très fameux des misérables c'est le moment où Mgr Myriel se comporte à l'égard de Jean Valjean, le forçat de la manière que l'on sait c'est vraiment une illustration de la fraternité vue par Victor Hugo j'emprunte cet extrait une adaptation du Harogé pilaudin avec Henri Rolland dans le cadre de l'ORTF le 12 mars 1962 Mgr ! Mgr votre grandeur c'était où est le panier d'argent tri ? C'est l'homme d'hier soir qui l'a volé on l'a pas mis dans le coin il a volé notre argent tri et d'abord Mme Magloire cette argent tri était-elle à nous ? elle était au pauvre qu'était-ce que cet homme ? un pauvre évidemment hélas Jésus recevoir un homme comme ça et le loger à côté de moi et quel bonheur encore qu'il ne les fait que voler oh mon dieu ça fait frémir quand on pense entrez oh bonjour brigadier Mgr nous avons trouvé cet homme là oh vous voilà M. Valjean je suis aisé de vous voir et bien mais je vous avais donné les chandeliers aussi qui sont en argent comme le reste et dont vous pourrez bien avoir 200 francs pourquoi ne les avez-vous pas emporté avec vos couverts ? Mme Magloire allez les chercher bien Mgr Mgr ce que cet homme disait était donc vrai on l'avait rencontré et il allait comme quelqu'un qui s'en va nous l'avons arrêté pour voir et il avait cette argent tri et il vous a dit qu'elle lui avait été donnée par un vieux bonhomme de prêtre chez lequel il avait passé la nuit oui je vois la chose et vous l'avez ramené ici c'est une méprise M. le brigadier messieurs vous pouvez vous retirer au revoir brigadier au revoir messieurs M. le brigadier encore vous dire un mot n'oubliez pas n'oubliez jamais que vous m'avez promis d'employer cet argent à devenir un honnête homme Jean Valjean mon frère vous n'appartenez plus au mal mais au bien c'est votre âme que je vous achète je la retire aux pensées noires et à l'esprit de perdition je la donne à Dieu on peut parler peut-être ici d'une sorte de transmission inaugurale de la fraternité dans les Misérables de Victor Hugo ça fait une sorte de baptême et le baptême c'est ce qui fondait la fraternité dans les premiers siècles du christianisme Jean Valjean se trouve chargé d'une mission fraternelle par cette première partie des Misérables inaugurale où l'évêque de Dignes va par un geste de surenchère fraternelle parce que la fraternité c'est toujours une surenchère, en tout cas la proposition religieuse allait toujours un peu plus loin que ne le voudrait la simple solidarité sociale vous faites un sort aussi bien sûr à l'oeuvre de Baudelaire en évoquant la dédicace des fleurs du mal hypocrite lecteur, mon semblable mon frère et vous avez démontré que apparemment louangeur pour Victor Hugo au début Baudelaire en réalité dans une lettre intime à sa mère en a dit pique pendre précisément c'est la thèse que j'essaye de défendre parce qu'il y a un différent autour de cette question du fraternel et de la fraternité Baudelaire se cherche des frères lui aussi mais il veut des frères choisis des grands génies à travers les âges et pour ce faire il doit refuser la fraternité humaine. Donc il y a chez Baudelaire une sorte de conflit conscient entre toutes ces grandes exceptions de l'idée de fraternité et Victor Hugo c'est le contre modèle absolu pour ce Baudelaire là. On pourrait suivre la trace du côté de vos autres grands hommes Charles Péguy y compris Romain Garry et vous dit des choses très intéressantes mais nous n'avons pas le loisir d'y venir en détail. Je voudrais noter néanmoins qu'après 48 après la Commune la 3ème République est un moment où il est moins fait usage à la notion de fraternité où surgit une autre notion d'ailleurs très intéressante qui transfère de l'ordre du principe à l'ordre du concret peut-être cet effort de rapprochement des citoyens. Je pense à la solidarité le solidarisme défendu par un certain nombre de pères fondateurs de la 3ème en particulier Lyon bourgeois Oui il faut aussi prendre en compte le développement de la sociologie dans ces années qui a beaucoup contribué au développement d'idées de solidarité qui est un des premiers concepts de Durkheim en particulier Le Bon, Le Plai Alors il y a aussi toutes ces figures Le Bon, Le Plai et d'autres figures plus obscures aujourd'hui qui ont sont toutes animées par une réflexion sur le lien social et qui ne passent plus par l'idée de fraternité en effet Pourtant c'est aussi le moment où elle s'institutionnalise enfin durablement dans la devise puisque c'est la 3ème république donc c'est tout le paradoxe de la 3ème république 1880 Le 20ème siècle n'est pas en particulier pour sa première moitié le moment essentiel de la fraternité mais néanmoins on en retrouve un avatar du côté de la fraternité révolutionnaire et je voudrais vous faire entendre, ce sera notre dernière archive, un propos de d'André Malraux, 1967 Est-ce que vous avez toujours le sentiment que la fraternité c'est beaucoup plus important que la liberté et que c'est beaucoup plus important que l'égalité Je ne sais pas si c'est plus important, ce dont je suis absolument sûr c'est que c'est par la fraternité que passe la révolution ou bien c'est la révolution des avocats comme disait Marx et dans ce cas là c'est un ensemble de réformes, de transformations au mieux c'est le New Deal mais à partir du moment où la réalité révolutionnaire entre en jeu sa matière première c'est la fraternité je ne conçois même pas une révolution sans fraternité Vous ne parlez pas de la famille chinoise à Mao, or est-ce que ça n'est pas la plus grande révolution de la Chine actuelle que d'avoir supprimé la famille Ce qui est le fait nouveau c'est pas la disparition de la famille c'est que la famille ne soit plus définie par les biens du sang ce qui est naturellement excessivement important, ou plutôt le serait si on gardait le culte des ancêtres Il a pu réussir l'opération parce qu'il a supprimé le culte des ancêtres puisque avec les ancêtres c'était les liens du sang inévitablement La Chine n'attache pas d'importance à ces morts enfin la vieille phrase fameuse il y avait plus de morts que de vivants, aujourd'hui c'est à peu près fini En somme, on peut dire Mao a réussi à faire une nouvelle famille qui n'est pas la famille parce qu'il a réussi à faire que cette famille ne soit pas véritable de ses ancêtres On voit là Alexandre de Vitry, l'idée d'un passage de la révolution dite bourgeoise la révolution des avocats, la révolution du peuple en fait c'est le passage en Russie de Kerensky pour la révolution de février à Lénine pour la révolution d'octobre Kerensky, avocat Le grand mot de Malraux si un écrivain s'en est saisi pour en tirer une matière, une langue dans des romans, c'est bien Malraux des romans révolutionnaires et souvent des romans militaires aussi, le grand roman de la fraternité chez Malraux c'est l'espoir donc il y a un roman de la guerre civile et pourtant un roman de la fraternité et c'est une fraternité dont on fait toujours l'épreuve les armes à la main et dans la vie concrète la fraternité de Malraux c'est pas la fraternité de la Martine justement, c'est une fraternité qui sait qu'elle est pétrie d'illusions lyriques et qui du coup doit se vivre d'autant plus concrètement et d'autant plus violemment Malraux accepte la violence inhérente à la fraternité parce qu'elle fait partie de la révolution il est sans doute celui qui a le plus poussé cette identification là de la fraternité à une aspiration à la fois généreuse mais inévitablement violente, inévitablement liée à la mort et notamment à sa propre mort et Malraux est quelqu'un qui était d'ailleurs très marqué, très obsédé par la question de la mort en même temps que par ces questions des fraternités politiques et le deuxième grand texte de Malraux où il explore dans tous ses recoins la notion de fraternité c'est un texte qui justement est une section des anti-mémoires qui s'appelle Lazare, dans une sorte de demi-délire fiévreux qui provoque un mélange de souvenirs vécus et de souvenirs issus de ses propres romans où il fait l'expérience de l'idée de fraternité et qui à chaque fois le reconduit à une sorte de fascination pour la mort donc c'est très mystérieux dans une certaine mesure mais ça nous dit dans cette écriture pourtant aussi très politique que cette espèce d'énigme fondamentale qu'est la fraternité pour les hommes venue comme dit encore Malraux d'un irrationnel des cavernes à la fois c'est de la modernité politique dont on fait l'expérience dans la fraternité jusque dans la révolution telle que le XXe siècle en donne le spectacle et à la fois quelque chose venu du fond des âges étrange et frappant ce rapprochement avec la mort, on trouve déjà fraternité ou la mort sous la révolution, je pense aussi à la condition humaine où la fraternité s'exprime devant la mort également dans le partage du cyanure tout à fait, et pour Malraux c'est même là qu'elle s'exprime le mieux, quand elle consonne avec la mort comme si la mort était une espèce de note de base fondamentale sur laquelle le lyrisme fraternel peut seul se déployer d'une manière qui ne soit pas désuète alors pour finir l'exemple de Vitry j'ai envie de vous poser une question simple quel est cet héritage aujourd'hui, comment agit-il dans notre vie contemporaine on pourrait regarder évidemment l'église puisque le pape François vient de publier une encyclique qui s'appelle Fratelli tutti, tous frères et bien aujourd'hui elle ressurgit d'une manière je crois très intéressante, dans la mesure où le mot frère recouvre toujours des tentations de repli, d'ailleurs dans le monde religieux puisque vous l'abordez la fraternité c'est aussi une manière de désigner des communautés fermées, la fraternité sacerdotale s'impédisse le fébriste, les frères musulmans il y a des usages de cet ordre, et puis en même temps c'est l'emblème du dialogue interreligieux même, le mot frère en fait, notamment dans le christianisme c'est l'usage que porte le pape François et quelques autres avec lui va venir désigner non plus le frère d'antan, c'est à dire l'autre chrétien mais précisément celui qui n'est pas l'autre chrétien et donc autour du mot frère se joue aujourd'hui un enjeu je crois crucial c'est le lien entre la communauté vécue et la possibilité d'un lien avec celui qui ne fait pas partie de cette communauté avec décidément l'opposition entre quelque chose comme une aspiration universelle et puis un repli marqué et souvent hostile à l'égard des autres. Si on va du côté de Saint Nicolas du Chardonnay, on peut voir effectivement ce que ça signifie. Absolument Nous sommes à l'âge des communautés réduites, mais à l'âge de ces communautés vécues, de ce qu'on appelle parfois le communautarisme le séparatisme enfin voilà, il y a beaucoup de mots qui viennent circonscrire, essayer de décrire ces réalités et bien les aspirations à l'universel se renouvellent, ne sont pas mortes et même en fait je crois se recomposent et en voulant se recomposer ont renoué avec ce mot de fraternité qui était à la fin du XXème siècle presque abandonné et qui n'a pas à vous entendre perdu quoi que ce soit de son ambiguïté ou de son ambivalence Non, je crois peut-être que le secret pour l'avenir est de savoir qu'il est porteur de ses ambivalences, de s'en ressaisir sa naïveté justement, pour pouvoir renouer avec ses aspirations les plus généreuses il faut avoir conscience de ses parts d'ombre qui sont les nôtres, il y a des secrets dans la langue, dans cette langue qui traverse les âges et avoir cette ambivalence là en tête je crois est la meilleure manière de continuer de croire à la fraternité. J'espère que vous avez contribué à redonner tout son lustre à la troisième partie de notre devise après tout, pourquoi pas, merci beaucoup merci Alexandre de Vitry votre ouvrage s'appelle Le droit de choisir ses frères, point d'interrogation c'est une formule que vous avez empruntée à Baudelaire à Baudelaire, une histoire de la fraternité, il faut toujours reconnaître que c'est dette en littérature, une histoire de la fraternité Gallimard, dans la collection Bibliothèque des idées, c'est un ouvrage qui vient de paraître, vous avez également publié il y a quelque temps Conspiration d'un solitaire l'individualisme civique de Charles Peggy cela me console de ne l'avoir pas pu traiter de la fraternité chez Peggy qui vous intéresse beaucoup, c'est un ouvrage paru au Belle Lettre en 2015 j'ai cité l'encyclique du pape François Fratelli Tutti elle est disponible également en librairie Régis Debray a publié un livre qui s'appelle Le moment fraternité en 2009, quelle était sa thèse ? que la fraternité était le nom que prenait le sacré à l'âge de la révolution et de la modernité politique le sacré n'a pas cessé de parcourir notre conversation quand nous parlions de fraternité, une publication de Gallimard je voudrais également rendre hommage à un livre du côté des musulmans Abdenour Bidar a publié un livre qui s'appelait Plédoyer pour la fraternité chez Albain Michel, en 2015 il a relancé d'ailleurs son mouvement après le drame du Bataclan le livre d'Abdenour Bidar concerne beaucoup avec l'encyclique du pape François donc on est tout à fait dans la même dynamique de surmonter les frontières avec l'idée de fraternité les documents sonores que vous avez entendus sont naturellement disponibles sur notre site avec cette bibliographie plus complète à laquelle vous êtes habitués mes chers auditrices, mes chers auditeurs écoutez, réécoutez et podcastez à loisir cette émission pour continuer de réfléchir à la portée historique et civique de notre devise nationale et vous jurez peut-être qu'il s'imposait que nous ayons un arrière-plan pour le générique final, un extrait de la 9e symphonie de Beethoven l'hymne à la joie, l'hymne européen sur les paroles de Schiller C'était concordance des temps une émission de Jean-Noël Jeanneney préparée par Jeanne Guéraud, réalisée aujourd'hui par Daphné Leblond avec à la prise de son Yvan Turc avec Nathalie Rouvilain et Joséphine Lafaye à la discothèque et pour les archives de l'INA Véronique Jolivet Je voudrais aussi remercier la documentation de Radio France qui nous apporte toujours des éléments pour moi très précieux Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org