Ceci n'est pas un date

Puisque je n'arrive pas à me concentrer sur autre chose que leur conversation, ce sera mon poème du jour. C'est peut-être un date. Mais elle dit mon copain en parlant de quelqu'un d'autre. Il veut elle sont assises dans mon dos. Il parle fort. Alors t'es brésilienne ou allemande ? Elle répond les deux. C'est ton père qui est brésilien ? Elle dit qu'elle ne le connait pas bien. Tu ne le connais pas bien parce que... tu peux me raconter si tu veux, enfin si t'as envie. Elle raconte. Son père est parti quand elle avait 3 ans. Il dit ok, très bien. Et donc tu as des problèmes en ce moment ? Elle dit qu'elle a 3 chats. Lui est allergique. Il insiste. Très allergique. Elle dit que la tristesse a une douleur. Elle se livre. Il se quatrième de couverture. Elle m'émeut. En réalité lui aussi. Ils et elles ne sont pas en date. Pas du tout. Il parle de dépression. Elle parle de médicaments. Il parle de harcèlement scolaire. Elle parle de deuil. J'ai écrit elle se livre. Il se quatrième de couverture. J'ai écrit ce truc absurde et attendu toute la journée en pensant. Il y a cette phrase écrite ce matin dont je suis très fière qui m'attend. Mais je n'y crois plus. Je me dis qu'on fait bien comme on peut. Qu'on se débat avec ce qu'on a fait de nous. Que je serais très mal placée pour les juger. Je me souviens de cette fille rencontrée en tournage. Assise sur la moquette où on avait oublié la figuration, les costumes et les autres. D'un coup la pudeur des premiers temps n'a plus cours. D'un coup l'évidence. Le feu dans la poitrine et dans la gorge. Tout irait vite. Chevauché le silence. D'un coup les rires fous, la tendresse, l'expérience d'une gémellité passagère. C'en est presque douloureux.