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Tourguenieve

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Le journal d’un homme de trop…

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The narrator is writing a journal entry, expressing their realization that they are going to die soon. They contemplate the concept of eternity and decide to write about their own life. They describe their mother as virtuous but distant, while they had a deep affection for their father despite his flaws. The narrator reflects on their parents' relationship and their own emotions. They mention that they are unwell and do not worry about how the journal will end. LE JOURNAL D'UN HOMME DE TROP Tourgueniev. Publié dans la collection Le Livre de Poche. Le Journal d'un Homme de Trop Au village d'Eau, 20 mars 1800. Le médecin me quitte. Je l'ai obligé à s'expliquer enfin. Il y a eu beau dissimuler, il a fallu me confesser toute la vérité. Je vais mourir. Oui, je vais mourir bientôt. Les rivières vont déjeuler et je m'en irai probablement avec les derniers glaçons. Où irai-je ? Dieu le sait, à la mer aussi. Eh bien quoi ? S'il faut mourir au temps, il faut mourir au printemps. Mais n'est-il pas ridicule de commencer un journal peut-être qu'un jour seulement avant l'heure de la mort ? Ben, qu'est-ce que cela fait ? En quoi qu'un jour diffère-t-il de quinze siècles ? En face de l'éternité, tout est néant, dit-on. Soit. Mais dans ce cas, l'éternité même n'est que néant. Il me semble que je tombe dans la métaphysique. C'est mauvais signe. Aurais-je peur ? Mieux vaut raconter quelque chose. Le temps est humide, le vent souffle avec violence. Il m'est défendu de sortir. Que raconterais-je ? Un homme bien élevé ne parle pas de ses maladies. Écrire un roman n'est pas de mon ressort. Raisonner sur de graves sujets est au-dessus de mes forces. La description des objets qui m'entourent ne m'offrirait aucun plaisir. Ne rien faire est ennuyeux. Lire me fatigue. Je vais raconter ma propre vie. Quelle bonne idée ! Cette revue de soi-même est chose convenable avant la mort et ne peut nuire à personne. Je commence. Je n'ai jamais connu de femme dont la vertu causa moins de plaisir. Elle s'affaissait sous le poids de ses mérites et en fatiguait tout le monde, à commencer par elle-même. Pendant les cinquante années de sa vie, elle ne se reposa pas une seule fois. Elle ne se croisa pas une seule fois les bras. Elle travaillait et s'évertuait comme une fourmi, mais sans aucune utilité, ce que nul ne dira d'une fourmi. Un vert infatigable la rongeait nuit et jour. Une fois seulement, je la vis parfaitement tranquille, et cela dans son cercueil, le lendemain de sa mort. Aussi, son visage me semblait-il vraiment exprimer un silencieux étonnement. On aurait dit que ses lèvres, à demi fermées, ses joues creuses et ses yeux paisiblement immobiles, respiraient ses paroles. Qu'est-ce que c'est bon de ne pas bouger ? Certes, oui, il est bon de se dépouiller enfin de l'accablante conscience de la vie, de la sensation continue et inquiète de l'existence. Je grandis mal et sans joie. Mes parents me témoignaient de la tendresse, mais la vie ne m'en était pas plus douce. Ouvertement adonné à un vice dégradant et ruineux, mon père n'avait aucune autorité dans sa propre maison. Il reconnaissait son abjection, et n'ayant pas la force de renoncer à la passion qui le dominait, il cherchait du moins à mériter l'indulgence de sa femme par une soumission à toute épreuve. Ma mère supportait son malheur avec cette magnifique et facieuse longanimité de la vertu dans laquelle respire tant d'orgueil et d'amour propre. Elle ne faisait jamais de reproches à mon père. Elle lui donnait silencieusement le fond de sa bourse et payait ses dettes. Présente ou absente, il la portait au nu, mais il n'aimait pas rester à la maison, et il ne me caressait qu'en secret, à la dérober, comme s'il eût craint de me porter malheur. Cet réaltéré avait alors une telle expression de bonté. Le rire fiévreux qui errait sur ses lèvres se changea en un sourire si touchant. Ses yeux bruns entourés de rides fines s'arrêtaient avec tant d'amour sur moi que je pressais involontairement ma joue contre sa joue humide et chaude de larmes. J'essuyais ses larmes avec mon mouchoir, mais elles recommençaient à couler sans effort, comme l'eau déborde d'un vase de trop. Je me mettais à pleurer aussi, et il me consolait. Il pressait mes mains entre les siennes, et ses lèvres tremblantes me couvraient de baisers. Voilà déjà plus de vingt ans qu'il est mort, et pourtant, chaque fois que je pense à mon pauvre père, des sanglots muets me montent au gosier, et mon cœur bat dans ma poitrine. Il bat avec tant de chaleur et d'amertume qu'il est accablé d'une si douloureuse compassion qu'on croirait qu'il lui reste encore longtemps à battre et à regretter. Ma mère, au contraire, était toujours la même pour moi, bienveillante mais froide. On rencontre souvent dans les livres écrits pour les enfants les mères toutes semblables, morales et justes. Elle m'aimait, mais je ne l'aimais pas. Oui, j'évitais ma mère vertueuse, et j'aimais passionnément mon père vicieux. Mais c'est assez pour aujourd'hui. Le commencement est fait. Quant à la fin et à ce qui en adviendra, je ne m'en inquiète guère. C'est l'affaire de ma maladie. Le journal d'un homme de Trôles, Tourguignèves, achetait ce livre dans la collection Le Livre de Poche.

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