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#20 Armenolobby André Malaise

#20 Armenolobby André Malaise

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André Malaise, an entrepreneur from Liège, has initiated important projects for Armenian children affected by recent conflicts. One project focuses on providing cultural activities for children in border villages near Vartenis. Another project supports a community from the village of Hadrout in Artsakh who had to flee their village during the 2020 war. André was inspired by their resilience and started promoting their handmade products in Belgium to raise funds. He also discusses the challenges faced by the community during the blockade. Despite not being of Armenian origin, André became interested in Armenia through a series of coincidences and has since been actively involved in supporting Armenian children and communities. Arménolobby, votre nouvelle émission avec Nicolas Talitian et ses invités, tous les lundis à 15h et les mercredis à 11h. Bonjour et bienvenue sur Arménolobby, l'émission qui s'intéresse à la politique et aux médias. Aujourd'hui, nous sommes avec un invité tout particulier, André Malaise, bonjour. Bonjour Nicolas. André, tu es entrepreneur, tu es liégeois et depuis quelques années, non seulement tu t'intéresses à l'Arménie, mais tu as lancé des projets particulièrement importants en Arménie et je crois savoir au bénéfice des Arméniens du Caraba. C'est ça, oui. Parle-nous de ces projets peut-être pour commencer. Eh bien, un des derniers projets qu'on a lancé, c'était pour les enfants en réalité des villages frontaliers, donc dans la région de Vartenis, où je me suis rendu compte que les enfants qui étaient là, qui étaient isolés, il leur manquait quelque chose et j'ai essayé de réfléchir à ce qui pouvait leur manquer. Je me suis rendu compte que d'autres enfants que j'avais vus, qui avaient des activités culturelles, avaient l'air d'être mieux que ces enfants isolés, alors j'ai essayé de monter un projet pour permettre aux enfants des villages frontaliers de faire une activité culturelle tous ensemble et c'est une activité qui a été lancée début septembre cette année, juste avant les graves problèmes qui viennent d'avoir lieu et donc c'était vraiment beau, puisqu'il y a eu plus de 50 enfants qui ont participé, qui vont pouvoir faire deux fois par semaine une activité culturelle tous ensemble et déjà rien que la première fois, ils avaient vraiment l'air, ils rayonnaient, ils étaient tous sourires, toutes heureuses d'être là tous ensemble, ils chantaient des chansons. Et tout ça c'est des enfants qui sont originaires du Carabarque, qui ont déjà été déracinés de la mort ? Alors ces enfants-là, en particulier, j'ai parlé de ce projet parce que c'est un beau projet, mais là ce sont des enfants de villages frontaliers autour de Vartenis, donc ils sont victimes des problèmes récents parce qu'ils ont été ciblés par, leurs villages ont été ciblés par des bombardements en 2022. Alors il y en a certains qui viennent de la région de Carvachar, qui est une région du Carabarque qui se situe juste à côté, qui a été cédée au cessez-le-feu en 2020 en échange de la paix, et donc eux ils ont dû fuir leur région et maintenant ils sont près de Vartenis, mais c'est pas spécialement pour ça qu'on les a ciblés, c'est parce qu'ils ont été victimes aux bombardements depuis 2022. D'accord. Et alors, et quelles activités ? Des activités culturelles. Moi je crois beaucoup à l'importance des activités culturelles, donc je me suis rendu compte dans un autre centre avec lequel j'ai beaucoup collaboré, qu'ils ont toutes les activités, ils font des dessins, ils font de la poterie, ils font de la danse, ils font de la musique, toutes les activités qui sont en lien avec l'artisanat traditionnel, et donc ça transporte une identité, ça transporte une fierté, ça transporte un sens de la communauté aussi, et donc je pense que c'est le caractère culturel de ces activités qui aide les enfants justement à mieux supporter les difficultés qu'ils vivent. Tout à fait, socialement et psychologiquement. Oui c'est ça, en fait on le voit visuellement. Visuellement, quand on voit les enfants, ils sont bien en fait. Alors que d'autres enfants qui sont justement dans un isolement, qui n'ont pas cette chance-là, eh bien on voit beaucoup plus qu'ils ont, comme s'ils internalisaient les difficultés, et comme s'ils avaient une énergie négative qui a besoin de s'exprimer en fait. Et alors ça n'est pas le seul projet que tu as initié, que tu soutiens en Arménie ? Oui, effectivement. Donc le projet qui a lancé ce deuxième projet-là, celui dont je viens de parler, celui qui a lancé ce projet, c'est au départ quand j'étais la première fois en Arménie, c'était en février-mars 2021, donc juste après la guerre des 44 jours. Et là j'ai été amené à rencontrer, parce que je participais à différents projets humanitaires, et donc j'ai beaucoup rencontré de déplacés de la star de 2020, et j'ai été amené à rencontrer une communauté qui vient du village de Hadrout. Et Hadrout, c'est un village situé en Artsakh, qui était frontalier de l'Azerbaïdjan, et c'est le premier village qui a été perdu, donc le 9 octobre 2020. Et le 9 octobre, ou le 6, je pense juste avant, ils ont décidé de quitter le village, de fuir le village, pour se réfugier donc à Erevan et Stépanakert, où ils y vivaient toujours jusqu'à il y a une ou deux semaines. Ils sont partis autour du 25 septembre, entre le 25 septembre et début octobre, je ne sais plus la date exacte. Et donc, quand je les ai rencontrés, ils venaient de perdre leur village, et pourtant ils avaient déjà un centre, avec déjà des enfants qui faisaient justement ces activités. Et là on est à Stépanakert ? Non, là on est à Erevan. Ils étaient à Erevan. Ils ont quitté Hadrout ? Pour aller à Erevan. Pour aller à Erevan. Exactement. À Erevan, c'est là que je les ai rencontrés, c'est là que j'ai vu ce centre, et alors ils faisaient des dessins, et alors c'est eux qui m'ont en réalité au départ demandé de parler d'eux en Europe. Et c'est pour ça que j'ai commencé à faire mes projets pour l'Harmonie, parce que ce centre, c'est la responsable du centre qui vient de Hadrout, après m'avoir tout expliqué, tout ce qu'elle faisait, je trouvais qu'ils avaient vraiment beaucoup de courage, beaucoup de grandeur d'âme d'arriver, alors qu'ils ont tout perdu, à animer un centre pour les enfants, à vouloir essayer que la vie continue en fait. Et de donner vraiment à ces enfants un sens, une communauté, à garder les familles ensemble, réunies. J'ai trouvé ça très beau et très fort. Je me dis mais qui ferait ça ? Imaginons nous, mes voisins, si jamais on se fait chasser de notre pays, mais qui va réussir à faire qu'on reste ensemble, qu'on reste unis, qu'on continue à se souvenir de qui on est ? Je trouvais ça vraiment fort. Et elle m'a demandé de parler d'eux en Belgique, et je leur ai proposé donc d'acheter leurs petits produits, c'est des produits artisanaux, ça ne vaut pas grand chose, mais de les acheter en Arménie et de les ramener en Belgique, pour pouvoir les mettre en vente en Belgique, pour qu'on ait à financer les enfants. Voilà, en quelque sorte, même si ce n'est pas ces quelques centaines d'euros qui vont les sauver, mais ça permet aux gens de savoir qu'ils existent. Et le centre il se trouve où à Yerevan ? Il se trouve à Yerevan. Il y en a eu deux, il y en a eu un dans un quartier dans le sud, mais je ne sais plus le nom, maintenant c'est près d'un parc près du centre d'Yerevan. D'accord. Et alors, anecdote, ils avaient aussi un centre à Stépanakert, pour les déplacés de 2020 qui étaient restés à Stépanakert, et eux, ils ont été victimes du blocus. La responsable en l'occurrence du centre, qui m'avait demandé de parler de l'Arménie au départ, elle était à Stépanakert quand le blocus a commencé. Moi, j'ai vraiment vécu ce blocus, puisque chaque fois que j'allais en Arménie, d'habitude j'allais la voir, forcément, c'est mon ami, et je ne pouvais plus aller la voir parce qu'elle était à Stépanakert. Et donc, dans son centre à Yerevan, la chaise de la responsable restait vide. Oui. Parce qu'elle n'était pas là, elle ne pouvait pas revenir. Et donc, ils ont été coincés pendant neuf mois, et ils ont pu quitter finalement à la reddition. Tout le monde a pu rentrer en Arménie. Oui, ils sont rentrés, sauf le professeur de poterie qui est mort, malheureusement. Comme beaucoup d'Arméniens d'Arménie, il était professeur de poterie, mais il était aussi soldat, et donc malheureusement, il n'est pas rentré. Il fait partie des quelques centaines d'Arméniens de l'Artar qui sont morts le 19 et le 20. Donc, il y en a eu un. Mais les enfants ont pu rentrer, et c'est un sentiment mitigé, puisque d'un côté, je suis vraiment très heureux qu'ils s'en sortent, puisque j'ai suivi toutes les photos. Elle me disait chaque fois, quand j'étais dans le blocus, je lui disais, ça va, il râle, il n'y a pas... Non, t'inquiète André, regarde ce qu'on a encore fait, on a encore fait une activité de théâtre, demain on fait un spectacle. C'est incroyable, incroyable. Et donc, tous ces enfants, je les suivais au quotidien, pendant le blocus. Enfin, je n'y allais pas tous les jours, mais régulièrement, je regardais leurs activités. Et donc, de savoir qu'ils sont libérés, j'avais vraiment peur pour eux, parce que quand on sait ce qui leur est arrivé en 2020, je veux dire, s'ils n'ont pas pu évacuer, ils auraient peut-être été tués dans des circonstances parfois vraiment mauvaises. Il y a eu beaucoup de cas. Donc, j'avais vraiment peur pour eux. Réellement, je ne savais pas si on allait les revoir. Et quand ils ont été libérés, j'ai été très heureux. Et d'un autre côté, c'est un sentiment mitigé, puisque ce n'est pas vraiment une libération, c'est un exode. Ils étaient chez eux, donc ils ne pourront pas retourner. Quelque part, c'est aussi triste. Je ne les ai pas encore revus depuis, mais effectivement, ils ont été libérés. Donc, tu es très actif, en particulier pour tes amis du Karabakh, pour les enfants du Karabakh ou de la région frontalière. Mais tout ça, ça pose la question de comment est-ce que tu as découvert l'Arménie ? Comment est-ce que tu t'es intéressé par l'Arménie ? Parce que si mes renseignements sont corrects, tu n'es pas d'origine arménienne. Non, je ne suis pas d'origine arménienne, effectivement. Je suis d'origine liégeoise et ma maman est allemande. Je suis en moitié allemand, en moitié belge. Et effectivement, c'est une histoire. C'est vraiment un concours de circonstances, un peu comme le reste. Si l'Iran ne m'avait pas demandé de parler de l'Arménie, je n'aurais pas à parler de l'Arménie en Belgique et je ne serais pas là. Donc, c'était un concours de circonstances. Et le tout début de cette histoire, c'est aussi un concours de circonstances. Si tu veux tout savoir, on visitait avec mon petit garçon, à l'époque, qui avait 3 ans. On voulait visiter une église à Maastricht et elle était fermée. Donc, je fais le tour de l'église, c'est la basilique de Saint-Servet. Et là, je vois une croix assez étrange. Je me dis, c'est quoi cette croix sculptée là ? Je me dis, c'est quoi ? C'est une razzcar, mais je ne savais pas encore ce que c'était les razzcars à l'époque. Je me dis, cette croix m'interpelle. Et alors, je lis en dessous, je vois, offerte par la communauté arménienne de Maastricht, en l'honneur de Saint-Servet. Je me dis, c'est quoi cette histoire ? Comme je suis quelqu'un de curieux, je me documente, je me renseigne sur cette histoire-là et j'apprends que selon la tradition chrétienne, Saint-Servet est un missionnaire d'origine arménienne qui a fondé le diocèse qui deviendrait le diocèse de Liège. Là, je suis stupéfait par cette histoire-là. Parce que, moi, en tant que bon Occidental, je pensais que c'était nous qui avions envoyé des missionnaires. Donc, je me disais, c'est avant la semaine, qu'est-ce qui se passe ? C'est plus tard. Déjà, c'est qui l'Arménie ? Je ne connaissais même pas l'Arménie. Et donc là, j'apprends qu'il y a une antériorité de la culture arménienne. J'apprends que c'est une ancienne culture. J'apprends qu'il y a beaucoup d'auteurs. J'aime bien me documenter, donc je lis beaucoup sur ça, sur l'histoire de l'Arménie. J'aime beaucoup l'histoire. J'apprends qu'il y a des historiens arméniens déjà au IVe siècle. Nous, on n'avait même pas inventé le français. Les Arméniens écrivaient déjà leur histoire. Donc, vraiment, ça m'interpelle vraiment fort, surtout que je ne connaissais pas l'Arménie. Et c'est à ce moment-là que la guerre de 2020 a éclaté, en fait. Et donc, c'est parce que j'étais en train de me renseigner sur cette histoire, sur l'Arménie, que je trouvais ça vraiment fascinant, que la guerre a éclaté. Ça m'a vraiment sensibilisé. Et quand la guerre a éclaté, comme je venais de prendre toutes les informations, j'étais assez choqué par le traitement injuste que j'ai trouvé, qui était fait par les médias, justement, du conflit qui venait d'éclater. – Vous étiez choqué par le traitement des médias, pourquoi ? – Parce que j'ai trouvé que c'était très injuste, la façon dont les médias le présentaient. Je lisais les journaux, j'étais vraiment choqué. La façon de dire, oui, c'est un conflit entre deux parties, on ne sait pas très bien pourquoi, on ne sait pas très bien comment, c'est difficile, c'est mélangé, deux anciennes républiques soviétiques. On fait comme s'il y avait une égalité, en quelque sorte, entre l'Arménie et ses ennemis, alors qu'il n'y a pas d'égalité. Les Arméniens ont été persécutés depuis 130 ans, ils ont perdu 90% de leur territoire, il y a eu toute une culture qui est en train d'être effacée, de beaucoup d'endroits, encore récemment, en Akichevan. Et donc, on ne peut pas présenter les choses comme étant un conflit à part égale entre deux adversaires dont on ne comprend pas qui est l'agresseur et qui est l'agressé. Or, c'est ce que font les médias. Sauf des exceptions, parce que récemment, il y a certains médias qui ont présenté les choses de façon plus correcte. Mais en tout cas, en 2020, c'était vraiment ça. Dans les médias francophones en Belgique, j'étais vraiment choqué. Et donc, j'avais l'impression qu'il n'y avait rien à se passer pour les Arméniens, alors que je sentais, à mon sens, qu'on aurait dû les aider, que c'était légitime, vu le lien culturel qui avance entre nous et l'Arménie. Ça aurait été légitime qu'on vienne à leur secours, qu'au moins on s'intéresse à leur situation, qu'au moins on essaie d'exprimer quelque chose de positif. Comme ça ne se fait pas, moi j'ai décidé, c'était le jour de Noël, c'est peut-être l'esprit de Noël, mais j'ai décidé d'aller sur place. Et tu es allé en Arménie. Alors tu vas nous parler de ce premier voyage, mais je voudrais te poser une question. Malgré tout, tu as entendu l'introduction. Arménologie, c'est l'émission qui s'intéresse à la politique et aux médias. Et donc, je voudrais creuser un tout petit peu davantage la question du traitement des médias. Si quelqu'un comme toi, qui a découvert les Arméniens de l'extérieur, en étant documenté, donc tu n'avais pas à priori un préjugé. Si quelqu'un comme toi a pu constater que le traitement des médias était, tu dis, injuste, alors comment se fait-il que les médias eux-mêmes ne s'en rendent pas compte ? Comment se fait-il que, d'une manière plus générale dans la société belge, on ne se rende pas compte que le traitement qu'il y a eu sur la guerre de 2020 en particulier était tout simplement inacceptable ? C'est difficile de répondre à cette question. Effectivement, je ne fais pas de politique. J'ai fait de l'activité culturelle et humaine. J'essaye de venir, d'apporter même plus qu'une aide, parce que je ne sais pas si on peut vraiment aider. J'essaie d'apporter simplement un soutien humain. C'est-à-dire que je trouve que c'est vraiment injuste de ne pas témoigner de la sympathie pour des personnes qui sont victimes de ce qu'elles sont victimes pour l'instant en Arménie. Mais de là à expliquer la raison pour laquelle le fonctionnement des médias est comme il est actuellement en Belgique, je ne m'aventurerai pas à chercher la raison. C'est sans doute une question de lobbyisme, d'intérêt, de grande puissance. Mon point de vue, de façon très générale, c'est que les Arméniens sont vraiment victimes de jeux de grande puissance qui les dépassent complètement et dans lesquels eux n'ont aucune responsabilité. C'est-à-dire qu'eux ne sont pas du tout dans un conflit, en fait, et en fait, ils sont vraiment des pions de conflits qui sont tout à fait au-delà de ce qui est dans leur pouvoir. C'est vraiment ça qui est encore plus injuste dans leur situation. C'est-à-dire que de tout ce que j'ai pu rencontrer, parce que j'ai rencontré beaucoup de déplacés, ce qui est vraiment injuste, c'est qu'eux sont tout à fait pacifiques, en fait. Eux, ils ne demandent rien, en fait. Ils ne veulent pas conquérir le territoire d'un autre. Ils ne veulent pas obtenir rien, en fait. Ils veulent juste rester chez eux. La maison qui est la maison de leurs parents et de leurs grands-parents, ils sont là. Ils ont leur église qui est là depuis mille ans. Ils ont juste envie de rester là. Ils ne font rien d'autre, en fait. Ils ne sont pas du tout dans une démarche, on va dire, conflictuelle. Et même quand ils ont été attaqués, ils ne parlent pas de vengeance. Ils parlent tout simplement de réussir à s'adapter, à espérer que la paix va venir, à essayer de trouver quelque chose de positif. Donc, c'est vraiment injuste ce qui leur arrive et je pense que vraiment, c'est une question de violence. Je pense que vraiment, c'est une question de jeu de puissance dont les Arméniens sont victimes. Oui, et c'est des jeux de puissance qu'on voit se manifester sur d'autres plans aussi, d'autres niveaux aussi. Revenons-en à toi. Donc, ton premier voyage en Arménie, comment ça s'est passé ? Alors, j'avais un apriori positif puisque je m'étais documenté sur l'Arménie. J'avais l'impression que l'Arménie, ce serait un endroit intéressant à découvrir, mais je ne savais pas. Donc, je restais quand même prêt à ce que ce soit peut-être une déception. Je n'étais pas sûr que ça allait être positif. Quand je suis arrivé, il venait d'y avoir beaucoup de déplacés. C'est un peu comme maintenant en Arménie, beaucoup de déplacés de l'Artsar. Et donc, les premiers Arméniens que j'ai rencontrés, en réalité, ce sont d'abord les déplacés de l'Artsar. La première personne, la première Arménienne à qui j'ai parlé, je m'en souviens toujours, c'est une dame qui vient de Karvachar et qui avait fui sa région à cause de la guerre. J'ai rencontré des gens de Hadrout, j'ai rencontré des gens... Les premiers Arméniens avec qui j'ai eu des contacts, ce sont avant tout, en premier lieu, les gens de l'Artsar. – Et tu les as rencontrés à Yerevan ? – À Yerevan, à chaque fois, oui. À Yerevan et parfois autour de Yerevan, à Achalouis. – Mais comment, par hasard ? – Non, c'est parce que je participais à des actions humanitaires, avec le fonds arménien notamment, on apportait de l'aide d'urgence, en fait. Et en faisant ça, j'essayais toujours d'établir des contacts, puisque moi, ce qui m'intéressait, au départ, c'était les échanges culturels. J'avais l'impression qu'avec l'Arménie, on pouvait avoir un échange. Et ça, je l'ai vraiment rencontré, c'est-à-dire la possibilité que l'Arménie nous apporte quelque chose, culturellement, même au niveau des relations humaines, au niveau de la famille, des familles qui sont très soudées, au niveau des... Quand on se balade dans la rue, tout simplement, les gens ont tendance à être en sécurité, les gens sont sympathiques, donc il y a quelque chose de vraiment beau dans la société arménienne. Et je pense que vraiment, en tant que Belge, on peut se nourrir à ces aspects de la société arménienne, qui, en quelque sorte, reflètent peut-être des aspects de ce qui fait, donc, une société qui se perd un peu ici, en Europe, qui se dilue un peu en Europe. C'est comme s'il y a une partie de l'Europe qui se préservait en Arménie, alors qu'ici, elle s'efface. Et ça, j'ai trouvé ça vraiment très beau. J'ai vraiment trouvé ça très beau, c'est pour ça que je voulais aussi y retourner. En tout cas, on gagne à l'échange. Exactement, oui, tout à fait. Et donc, on en était au premier voyage. Donc, tu as rencontré les premières personnes que tu as rencontrées, c'étaient des gens du Caraba. Oui, j'ai d'abord eu plus d'amis arméniens de l'Artsar, puis d'Arménie, donc de Derevan, de Vartenis, de Goris, j'y étais dans les trois villes, et c'est seulement après que j'ai rencontré les Arméniens de la diaspora, que maintenant, je connais un peu plus. Oui, donc tu as fait le chemin inverse. Oui, c'est ça, oui. Je suis parti vraiment de l'Artsar, je suis allé à la diaspora. Et donc, ton amie, c'était Ira, tu disais. Ira, c'est la responsable du centre, c'est la responsable en fait d'un centre d'activité pour enfants de Hadrout, initialement. Et c'est elle qui t'a demandé d'aller plaider pour les Arméniens en Belgique. Oui, en fait, je l'ai rencontrée tout à fait par hasard. Je ne vais pas raconter les détails de cette rencontre, parce que ça mériterait, ce serait peut-être trop long, mais c'est vraiment, encore une fois, vraiment un hasard incroyable. J'étais pas censé la rencontrer. Et on était avec un groupe, et un moment donné, une femme, et c'était elle. On n'était pas là pour elle, mais un moment donné, elle est là. Et elle nous explique qu'elle a un centre pour les enfants déplacés, pour les enfants d'Artsar. Et on est avec une traductrice, parce qu'à l'époque, la traductrice traduit ça, et je dis, mais ça m'interpelle. Je dis, mais c'est quoi ce centre ? Je lui pose la question, elle nous commence à expliquer le centre. Et je dis, mais en fait, il faut savoir que c'était le dernier jour que j'étais en Arménie. On était dimanche, j'étais pas censé rencontrer personne. J'étais censé aller sur le vernissage, ramener des souvenirs. Je n'étais pas du tout censé faire une rencontre ce jour-là. Pour ceux qui connaissent un peu l'Arménie. Et donc, vraiment... Oui, tous ceux qui connaissent l'Arménie ont rencontré la référence, allé au vernissage. Le dernier samedi avant le départ, c'est indispensable. Voilà, j'ai des souvenirs, j'en portais le lendemain. Et donc, on est là, et vraiment, on n'est pas censé... Je dis, mais c'est quoi ce centre ? Je dis, est-ce qu'on peut le voir maintenant, tout de suite ? Elle me dit oui. Et je dis, mais est-ce que c'est loin et tout ? Et on s'arrange et on part à pied avec elle. On va jusqu'au centre. Et c'est là qu'elle m'a parlé pendant 5 heures. Elle m'a montré tout ce qu'il faisait dans le centre. Donc, les activités de dessin, les activités de poterie. Je vois tous les dessins des enfants qui dessinent super bien. Je vois toutes les activités qu'ils font. Et elle nous explique toute sa situation à Drout. Au départ, je ne visualisais pas bien. Parce que maintenant, je comprends vraiment bien l'histoire de la Drout. Je me suis bien documenté. Au départ, je ne connaissais pas bien. Puis elle me montre tout. Elle me montre un livre qu'elle a sur l'histoire de la Drout. Et elle me montre aussi les persécutions psychologiques qui ont été subies par les Arméniens en 2020. C'est-à-dire que les soldats de l'Azerbaïdjan qui ont capturé les villages se sont filmés pendant qu'ils pillaient les maisons et ont envoyé les vidéos aux Arméniens pour les persécuter psychologiquement. Donc, tous mes amis arméniens de l'Artsar ont tous une vidéo de leur région qui se fait piller. J'en ai plein de vidéos comme ça. C'est horrible. Donc, elle me montre ça. Ça me choque vraiment fort. Je suis vraiment sensibilisé, vraiment fort sur leur situation. Et en même temps, je trouve qu'elle a énormément de courage et de force morale d'arriver, alors qu'elle vient de vivre des choses aussi terribles, simultanément, de faire vivre son centre. De me dire, ne t'inquiète pas, ça va aller. Ce qu'on avait à Drout, on va le reconstruire ici. Toutes les familles restent ensemble. Les enfants font ça, les enfants ça. C'est incroyable. Qui a cette force ? Qui a cette force morale ? Et donc, j'ai vraiment du respect pour cette femme. Et là, elle me dit, à la fin de notre interview, notre rencontre qui a duré cinq heures. Je n'étais pas censé la voir. J'étais censé aller sur le vernissage à la place. J'ai passé cinq heures avec elle. Elle m'a tout montré. J'ai pris plein de photos à l'époque. Et là, elle me dit, est-ce que tu sais parler de nous en Europe ? Est-ce qu'on voudrait bien faire une exposition en Europe ? Elle me dit à Paris. Parce que comme je parlais français, ils pensaient tous que j'étais de France, d'Arménie. Quand je parlais anglais, ils pensaient que j'étais américain. Quand je parlais français, ils pensaient que j'étais de Paris. Donc, on veut faire une expo à Paris. Moi, ce n'est pas exactement Paris, mais si tu veux, on peut s'arranger. Liège, c'est mieux. D'une certaine manière, oui. Je parlais à Liège avant. Je ne vais pas dire le contraire. Mais il y a aussi les qualités à Paris. Et donc, c'est parce qu'elle me l'avait demandé, parce que j'avais été sensibilisé à son histoire et parce que j'avais beaucoup de respect pour cette dame et pour son travail que j'ai décidé, quand je suis rentré en Belgique, de contacter un centre arménien, donc à Liège, et de proposer une exposition. Et c'est comme ça que ça a commencé. J'ai fait d'abord une exposition de leurs œuvres, en fait, que j'avais ramenées. Le temps de faire l'expo, j'étais retourné en Arménie pour chercher les œuvres. Chaque fois, j'avançais les œuvres. Je les achetais et je les vendais en Belgique. Donc, une exposition vente, en réalité. Oui, c'est ça. Chaque fois, une exposition vente, ça permettait aux gens vraiment de s'approprier cette histoire-là. J'ai toujours des amis qui ont chez eux un tableau dessiné par un enfant de Hadrout. Il y a leur nom derrière. Même les enfants, en fait, je les connais. Donc, celle qui a fait un des tableaux les plus connus, je la connais. Au début, elle avait 12 ans. Maintenant, elle a 14 ans. Quand on est en Arménie, on la rencontre. J'ai des amis qui ont le tableau chez eux. Comme ils ont le tableau chez eux, ils n'oublieront jamais cette histoire. Ce n'est pas pour les quelques dizaines d'euros que le tableau a coûté que ça a aidé Hadrout. Mais par contre, le fait que la personne garde cet objet artisanal dans son environnement, elle a un lien pour toujours, en fait, avec cette histoire. C'était vraiment ça, le sens que ce projet avait au départ. C'est un peu le sens de ton action. C'est pas seulement humanitaire, mais crée un lien. Oui, c'est ça. Vraiment. Il me semble que le travail que tu réalises est complètement en complémentarité avec ce que fait la diaspora par ailleurs. Tu as un regard extérieur, tu as un regard différent. Est-ce que tu pourrais décrire en quoi est-ce que ce que tu fais et ton regard sur l'Arménie est différent de celui d'un Arménien de Belgique ? Je ne sais pas en quoi il est différent. Effectivement, moi, je n'étais pas du tout au courant de cette histoire. Et je l'ai découverte par mes propres recherches. Par exemple, l'histoire du génocide, je l'ai découverte en me renseignant moi-même. Ce n'est pas quelque chose avec lequel j'ai grandi. Et rien ne m'obligeait non plus à m'intéresser à cette histoire-là. Je m'y suis intéressé parce que j'étais sensible et parce qu'à cause de la sensation d'une injustice. Parce que quand je lis l'histoire et quand je vois la façon dont on s'est traité aujourd'hui, je trouve que c'est vraiment injuste et même indigne. On ne s'y intéresse pas plus. On devrait en parler. C'est quand même important. Et puis on a un lien avec l'Arménie. L'Arménie, ce n'est pas vaguement une région gérée. Il y a des problèmes partout dans le monde. Mais il y a un lien entre l'Arménie et la Belgique. Il y a en particulier la Belgique. Aussi entre l'Arménie et la France. Un autre lien. Mais on a un lien. Donc comment est-ce qu'on peut faire comme si les Arméniens n'existaient pas ? Alors qu'ils font partie complètement de notre famille, en quelque sorte. D'une certaine manière, oublier les Arméniens, c'est oublier l'histoire belge aussi. Oui, c'est s'oublier soi-même. C'est ça. Ça n'a pas de sens. Je pense que vraiment, ce serait plus digne et ça nous grandirait si la Belgique avait plus le souvenir de ce lien. Et je pense, pour offrir quelques recherches sur le sujet, qu'à l'époque, il y a quelques centaines d'années, c'était plus le cas en fait. On se souvenait mieux de ce lien. Quand tu dis les anciennes histoires, on mentionne beaucoup plus le fait que ça servait des Arméniens, etc. qu'il y avait un lien avec les Arméniens. On les connaît. Quand il y a eu des problèmes en Arménie au début du XXe siècle, c'était mentionné dans les journaux. J'ai une collection d'anciens journaux. On en parlait plus que maintenant. Il y avait un mouvement de population plus important que maintenant. Je trouve que vraiment, on perd quelque chose en notant les liens culturels et historiques qu'on a avec soi-même et avec les autres. Je pense que ça a un sens. Si ça existait au départ, c'est que ça avait un sens. On devrait le cultiver. Les Arméniens le cultivent d'ailleurs. Ils cultivent fort le lien avec leur histoire. Quand on parle avec un Arménien dans la rue, ils connaissent tous. Tous les Arméniens connaissent Tigran, etc. Alors que les Belges qui se souviennent de Charles Quint, qui était Belge, on a oublié. On ne connaît pas sa propre histoire. Alors que les Arméniens la connaissent. C'est aussi ça que je trouvais intéressant. Je pense que c'est un des aspects qui permet aussi aux Arméniens de supporter ce qu'ils supportent. C'est justement qu'ils n'oublient pas qui ils sont. Ça permet de mieux traverser les épreuves personnelles et individuelles de sa vie quotidienne quand on s'inscrit dans quelque chose qui dépasse soi-même. C'est pour ça que je pense qu'il y a vraiment un des aspects qui font que quand j'aurais réussi à amener plus de Belges en Arménie, je pense que ce sera bien aussi pour les Belges qui y arriveront. C'est vraiment très intéressant ce que tu dis. Quelque part, ça rejoint un de mes dada qui est que on a oublié le lien entre les Arméniens et l'Europe. Enfin, entre le reste de l'Europe et les Arméniens. On déconstruit l'Europe. On oublie l'histoire de l'Europe elle-même. On sépare les peuples là où ils n'étaient pas séparés. Parce que si Saint-Servet était au cinquième siècle, si Saint-Servet était en Belgique, ça n'était pas un accident. C'était parce que l'Europe était déjà un tissu. L'Europe était déjà à l'époque unifiée, d'une manière pas par les autoroutes et les TGV, mais d'une manière tout à fait différente à l'époque. Mais l'Europe existait. Elle existait dans l'esprit des hommes, dans leur vie aussi. C'est ce qui fait que les Arméniens et les Belges n'étaient pas des peuples étrangers. Et donc à déconstruire l'Europe, à imaginer que c'était à l'époque la barbarie en Europe, que aux deux extrémités de l'Europe, on ne pouvait pas se connaître, on ne pouvait pas apprendre les uns des autres, on ne pouvait pas avoir d'échange, c'est en fait oublier l'histoire de l'Europe et complètement falsifier l'histoire de l'Europe. C'est ça, exactement. Et pour rebondir sur ce que tu disais, il n'y avait pas d'autoroute, mais il remontait le Rhône en fait. C'était l'autoroute de l'époque. C'est le fleuve. Et c'est par là que Saint-Cyril est venu. Il a remonté le Rhône. Et par le Rhône, il remontait jusqu'à Vienne, etc. Vienne sur le Rhône, pas Vienne en Autriche. Et puis de là, il remontait encore un autre fleuve, mais j'ai oublié le nom. Et c'est comme ça qu'ils arrivaient sur Cologne et sur Trèves, à l'époque qui était une ville importante. C'est de là qu'ils sont arrivés par Liège. Donc en fait, d'où cette direction et d'où aussi le fait qu'il y ait aussi beaucoup d'Arméniens à Lyon. Parce que Lyon, c'est aussi sur le Rhône. Donc il y avait vraiment ce trajet en réalité. Donc on peut vraiment remonter cette histoire. Oui, il y a une géographie de ces choses-là. On fera une prochaine émission sur l'histoire des Arméniens en Europe. Là, on va revenir à tes activités. Parce que donc, tu as commencé à... Tu as organisé une exposition à Liège. Tu as donné une conférence, des conférences dans la région de Liège, à Bruxelles aussi. J'ai commencé à Liège, parce que j'avais commencé... Moi, je suis venu de Liège, donc j'avais commencé tout simplement par aller faire au plus simple. Et puis, je ne me sentais pas d'aller... J'avais l'impression que je n'avais rien de spécial à dire à Bruxelles, à des choses plus importantes. Je ne me sentais pas... Je n'avais pas un message particulier à faire passer. Je voulais juste faire ma petite expo. Et ce qui s'est passé, c'est que petit à petit, à force de faire ces échanges et de vouloir continuer à développer des projets avec mes amis arméniens originaires de l'Arzar à la base, eh bien, je me suis retrouvé en Arménie à chaque fois, à des moments où il s'est passé quelque chose. Donc, j'étais en Arménie pour faire un projet, et à un moment donné, il y a des bombardements sur toute la région autour de Vartenis, notamment à Sotk. Et comme j'avais un ami qui était là-bas, il me dit, est-ce que tu ne sais pas venir ? Est-ce qu'on ne sait pas... Oui, c'est ça, en 2022. Et donc, je me retrouve à Sotk, mais par hasard, les bombardements ont eu lieu mi-septembre et mi-octobre, donc quelques semaines après, même pas trois semaines après, j'étais à Sotk. Et donc, quand je suis rentré, j'avais un message, là. Du coup, j'ai contacté quelqu'un au comité à Bruxelles, j'ai contacté Karen, et lui m'a proposé de participer à un débat à Bruxelles, et c'est comme ça que je suis venu à Bruxelles la première fois. Parce que j'avais quelque chose à dire, mais ce n'était pas à exprès. Je ne me suis pas dit, ah, je vais dire quelque chose à Bruxelles. Quand je suis rentré de Sotk, d'avoir été dans les villages et d'avoir parlé aux gens, d'avoir vu leur histoire, je me suis dit, mais ça, ça a un sens, il faut que je le dise, en fait. Et c'est pour ça que je l'ai dit. La fois suivante que je suis allé en Arménie, je voulais aller passer Noël avec mes amis arméniens à Goris, le 6 janvier, j'arrive, c'était le blocus. Donc là, je me retrouve au milieu des Arméniens de Stéphane Aikard qui ne s'est pas rentré chez eux à cause du blocus. Donc, rebelote, je n'ai pas fait exprès d'avoir quelque chose à raconter, mais ce n'est pas de ma faute, chaque fois que je vais en Arménie, il se passe quelque chose, tu vois. Et donc là, j'avais de nouveau un message. Quand je suis rentré, j'ai de nouveau été invité à parler. Alors, petit à petit, ça m'a permis de rencontrer des gens avec lesquels on a pu faire d'autres projets. Par exemple, quand j'ai fait ce débat au centre d'action laïque avec Georges d'Allemagne à Bruxelles, suite à ma mission d'urgence qui s'était faite par hasard à Sotk, suite à ce débat, je rencontrais un jeune journaliste qui m'a demandé pour l'aider à faire un reportage en Arménie. Donc là, comme j'avais cette expérience de partir en Arménie sans être Arménien, sans savoir toute ma famille qui est déjà là-bas, et de devoir m'adapter, de devoir trouver des traducteurs, je lui ai transmis cette expérience pour lui permettre de faire son reportage. On a fait tout ensemble, on s'est vus, on a regardé où il allait aller, je lui ai conseillé les différents endroits, je lui ai conseillé la méthode pour le faire, etc. Il a fait son reportage, qui est paru à l'époque dans la Libre-Belgique. Et après, ce même journaliste est reparti en Arménie. Là, juste après le début du conflit, le 23, je pense qu'il était en Arménie pour faire un autre reportage. Et donc ça, ça s'est fait. Encore une fois, je ne me suis pas dit « Ah, génial, je vais former des journalistes pour en aller en Arménie ! » J'étais un débat parce que j'avais été par hasard à Sotk, c'est lui qui est venu vers moi. Et ce reportage, il va sortir quand ? Il a déjà fait un reportage en février-mars dans la Libre, qui était paru à l'époque de deux pages. Et là, il a déjà sorti deux articles, dont un en couverture de la Libre, la semaine passée. Mais il y a un documentaire qui va venir. Non, non, ça c'est des articles. Le documentaire, c'est autre chose. C'est lors d'une autre conférence que j'avais faite suite au fait que j'avais été en Arménie au moment du blocus. J'avais fait une conférence sur le blocus, sur la région de Goris, etc. C'est une exposition que j'avais appelée « Arménie entre douleur et douceur » parce qu'il y avait des difficultés. En même temps, c'était beau. Je voulais montrer les deux aspects. On a trop tendance à dire que l'Arménie, soit c'est beau, c'est culturel, etc., soit c'est la guerre. Alors qu'en fait, c'est les deux en même temps. Il y a des choses, il y a des stigmates partout de persécutions. Par exemple, très souvent, j'ai des amis arméniens, mais ils me racontent que eux, en fait, ils viennent pas des Révanes à la base. Ils viennent de Kars ou de Mouches ou d'autres régions. Donc ils ont ce stigmate. Soit ils ont aussi très souvent, j'ai une amie arménienne, ça c'est la photo de mon fils qui est mort en 2020. Ça arrive vraiment très souvent. Donc il y a ce stigmate et en même temps, il y a cette beauté aussi bien de l'artisanat, aussi bien de la culture, aussi bien de la société. C'est vraiment un message que j'avais voulu faire passer à ma conférence. Et à cette conférence, j'ai rencontré un jeune réalisateur de Liège qui m'a dit « Moi, je trouve ça magnifique. J'aimerais bien qu'on partira là-bas et faire un documentaire sur ça. » Alors je lui ai dit « D'accord, mais si tu veux faire un documentaire, il faut le faire tout de suite. Parce que ce que je viens de raconter là, dans un an, ça n'existera plus. L'Arménie, ça change tellement vite. Et donc on a fait le documentaire. On est partis en septembre, juste avant le début de la grosse crise ici avec l'Exode et le démantèlement de l'Artsakh. Je revenais d'Arménie. On est partis pour une semaine tourner des images avec mon ami qui a été sensible à toute la beauté de la culture arménienne. On a filmé des choses incroyables. Et comme il est assez talentueux, je pense qu'il va faire un beau film. Mais on ne sait pas quand il va sortir. Non, ça c'est un mystère, mais je lui ai demandé que le premier geste soit fini pour fin d'année. Mais il a du travail aussi. Lui aussi, c'est comme moi, il a aussi d'autres activités. Je veux dire, on fait ça à côté. C'est normal, il ne peut pas tout le temps travailler sur le film. Tu nous tiendras au courant de la sortie du documentaire ? Est-ce que tu as des projets pour l'avenir ? Beaucoup de projets pour l'avenir, oui. Est-ce que tu peux nous en parler ? Par rapport à l'Arménie ? Par rapport à l'Arménie, oui. Des conférences, des expositions. Mon premier projet pour l'instant, pour te dire la vérité, comme je pensais déjà quand je suis revenu du documentaire, j'ai fait beaucoup pour l'Arménie pour l'instant. Mon premier projet, ce serait que ça puisse se calmer, que je puisse faire autre chose pendant quelques mois. Franchement, je suis parti en janvier, je suis parti en mai, je suis parti en septembre pour organiser tous les projets. Le projet dont je t'ai parlé avec le bus, avec les enfants, le documentaire, c'était beaucoup d'énergie, on a fait beaucoup. Quand je suis rentré le 11 septembre, je voulais vraiment, je me suis dit voilà, là j'ai fait vraiment assez pour l'Arménie. Mais maintenant, je ne pense plus à l'Arménie pendant six mois. Et une semaine après, ça a éclaté et maintenant je suis tous les jours dedans. Encore ce matin, j'avais une amie arménienne que je vais aller voir, qui vient d'Artsar justement, c'est une de mes meilleures amies arméniennes. Je lui avais envoyé un message il y a deux semaines, pour prendre de ses nouvelles, elle n'avait pas répondu. Ce matin, elle me renvoie un message, elle me dit André, désolé de ne pas avoir répondu avant, mais la situation ici est horrible. Et je dis oui, je sais ce que je pensais, de manière générale. Elle me dit non, il y a 20 personnes chez moi depuis deux semaines. Parce que c'est comme ça, les Arméniens, c'est une vérité, donc ils savent trancher les autres. Mais la femme, elle a aussi un travail. Et chez elle, c'est sans doute un petit appartement. C'est un appartement à l'Arménienne, donc ce n'est pas très petit, les pièces sont grandes, mais il n'y a pas la place pour mettre 20 personnes. Et donc, c'est pour te dire que je n'ai pas pu faire autrement que de m'impliquer maintenant dans les derniers jours, mais là, je voudrais bien, si ça pouvait se calmer, revenir à des projets normaux, qui n'aient plus besoin de faire de l'humanitaire, qui n'aient plus besoin de faire de l'information sur des crises, mais qu'à la place, on puisse faire des échanges culturels, franchement, ça, ce serait vraiment mon rêve. C'est d'aller en Arménie sans être obligé de répondre à une crise, quoi. Oui, et on n'en a pas parlé, mais par ailleurs, tu gères deux entreprises. Oui. Et tu es un petit garçon. Ma famille, oui. Je m'occupe beaucoup, oui. Donc, chaque chose dans son temps. Comment est-ce que les auditeurs, s'ils le souhaitent, peuvent t'aider dans tes projets, peuvent te soutenir dans tes projets ? Ils peuvent aller voir, j'ai mon site Internet, sur lequel ils peuvent aller jeter un œil. Là, il y a les différentes choses que je fais, et s'ils veulent rester en contact, il y a mon adresse e-mail, ils peuvent me contacter. Et comment s'appelle ton site Internet ? Ça, c'est via-via.org. Viavia.org ? Oui, c'est ça. Et là, pour l'instant, on a la collecte que j'ai faite pour les déplacer de l'Artsar. Mais ça, c'est juste pour l'instant. Après, je poste régulièrement chaque fois qu'on fait quelque chose. Deux, trois fois par an, je fais une petite mise à jour. Et ceux qui veulent plus d'informations peuvent me contacter par mail, il y a mon adresse e-mail. Ils peuvent éventuellement rentrer en contact pour faire d'autres choses. Parce que tu me demandais quels étaient les projets précis. Là, en Arménie, on ne sait jamais exactement de quoi l'avenir est fait. Quand je pars là-bas, je ne sais jamais exactement ce qu'on va faire. J'ai une idée, mais je suis très ouvert à différentes choses qui vont se présenter. Et donc, au début de cette année, je ne savais pas que j'allais faire un documentaire, par exemple. Puis on a fait le documentaire. Parce que c'était un projet crédible qui avait un sens. Puis, quand j'étais à la manifestation, je ne savais pas que j'allais faire une interview à la radio, par exemple. Tu m'as demandé de venir faire une interview. Donc, au départ, j'avais une idée. J'avais essayé de parler de l'Arménie, mais petit à petit, ça se fait naturellement. Je suis ouvert à différentes propositions. Et donc, je fais en fonction de ce que les gens proposent. D'accord. N'hésitez pas à aller sur viavia.org, à contacter André Malhais et à lui faire vos propositions. Vous avez entendu que c'est quelqu'un qui parle très bien et qui parle très bien de l'Arménie en particulier. Donc, je crois qu'il est un avocat de grande valeur. Non seulement pour les Arméniens, mais pour les Arméniens, parce que c'est une culture. Pour les Arméniens, parce que c'est une cause juste. Un interlocuteur qui, je suis sûr, n'hésitera pas à nous dire nos cas de vérité si c'est nécessaire. André, je te remercie infiniment d'avoir répondu à mes questions, d'avoir été notre invité sur Arménolobby. Et merci pour ton travail. Merci Nicolas pour l'invitation et en espérant que ça porte ses fruits, qu'on puisse faire de nouvelles, belles choses dans l'avenir. Voilà, j'espère que cette rencontre avec André Malhais vous a plu. Cette interview fait partie de notre exploration de la société belge, de la manière dont on y aborde les questions arméniennes et du travail qui se fait un peu partout. Mais nous n'avons pas encore parlé aujourd'hui de l'actualité. Et l'actualité à l'Europe, c'est d'abord la rencontre rapée du 5 octobre dernier en Espagne. Et Aliyev, vous vous en souviendrez, devait se rencontrer dans le cadre du sommet de la Comité Communauté Politique Européenne. Et comme les dirigeants européens ont exprimé leur mécontentement vis-à-vis d'Aliyev de son attaque du Karabakh à l'Union Éthnique qui a suivi, il a pris peur et il n'est pas venu. Il préfère maintenant Poutine comme médiateur. Pendant ce temps, l'Union Européenne a exprimé son soutien à l'Arménie, a promis de l'argent pour accueillir les réfugiés et a demandé que les habitants du Karabakh puissent retourner chez eux sous protection internationale. Cela étant, les dirigeants européens ont aussi exclu d'imposer des sanctions à la Zimbabwe. L'actualité, c'est aussi cette résolution du Parlement Européen qui non seulement condamne Aliyev, comme l'a fait le Conseil de l'Union Européenne, la Communauté Politique Européenne, même si c'est en termes plus forts, elle condamne Aliyev cette résolution mais elle condamne aussi la Commission et le Conseil Européen pour leur inaction alors que l'objectif d'Aliyev était parfaitement prévisible. Le Parlement demande aussi qu'on sanctionne l'Azerbaïdjan. C'est bien que le Parlement dise ces choses mais souvenons-nous que cette résolution n'est pas contraignante et souvenons-nous que l'actualité évolue vite. L'attention des médias s'est d'ailleurs déjà déplacée sur la Palestine. Nos cinq minutes d'attention sont écoulées. Même si l'Union Européenne et particulièrement la France semblent prendre la menace un peu plus au sérieux qu'avant maintenant, l'expérience montre qu'à la prochaine crise nous risquons de reprendre le débat public sur le caravane à partir de zéro. Les dirigeants européens feront la sourde oreille le temps qu'il faudra puis après une nouvelle catastrophe ils prétendront être surpris, ignorants et innocents. Or il faut faire en sorte que le débat avance. Il faut dire clairement à nos compatriotes européens que ce que l'Europe a fait ces derniers mois et même ces dernières années c'est d'abord un échec pour l'Europe elle-même. C'est un échec non pas parce que l'Europe n'est pas venue au secours des Arméniens c'est un échec parce que l'Europe a tout fait pour que l'Azerbaïdjan attaque le Karabakh et le vide de sa population arménienne. Vous trouvez que j'exagère ? Ça se comprend. Laissez-moi expliquer. Tout d'abord il faut souligner qu'Aliyev et son mentor Erdogan sont évidemment les premiers responsables de ce qu'ils viennent de faire en Artsakh. Poutine et la Russie sont évidemment complices de ces crimes. Nous le savons. Le gouvernement arménien et d'ailleurs ses prédécesseurs ont tous une part de responsabilité également. Rien de ce que je voudrais vous dire maintenant n'exonère les uns ni les autres. Mais je voudrais me placer sur un terrain européen. Au printemps prochain nous élirons un nouveau Parlement européen et de nouvelles assemblées belges. Nous devons donc pouvoir évaluer la politique européenne vis-à-vis du Caucase et ses politiques ont été catastrophiques. Nous devrons donc avoir un discours clair vis-à-vis des autorités européennes, un discours sans compromission, un discours qui n'appelle pas à l'aide, qui n'implore pas la pitié, mais qui place les institutions européennes devant leur responsabilité. Nous le savons bien. Ce qui s'est passé ces dernières semaines est l'aboutissement d'un long processus. Le problème des Arméniens du Karabakh n'est pas en son exceptionnel. C'est un problème de protection d'une population minoritaire. C'est parce qu'ils étaient traités comme des citoyens de seconde zone, qu'ils étaient même chassés d'Artakh que les Arméniens du Karabakh ont voulu être annexés à l'Arménie ou devenir indépendants. Les États qui pratiquent la discrimination à l'égard de leurs minorités ou qui les oppriment provoquent souvent une résistance et ce fut le cas au Karabakh. Les acteurs extérieurs peuvent à leur intervenir. Enfin, ils leur arrivent d'intervenir. Ils interviennent pour aider tout simplement ou bien pour promouvoir leurs propres intérêts ou encore pour contrer un adversaire. Il y a des dizaines de conflits de ce genre dans la périphérie de la Russie. Pensez au Tombakh, à la Crimée, à la Transnistrie en Moldavie, à l'Océan du Sud et à l'Arkadie en Géorgie. Un peu plus loin, souvenez-vous de Chypre, du Kosovo, du Kurdistan et de tant d'autres et j'ai failli oublier Palestine et Israël. Est-il besoin de souligner que si ces conflits ne sont pas gérés raisonnablement dans un souci de respect des minorités ils peuvent provoquer des guerres et leurs corsèges d'atrocités. Le Karabakh n'est pas fondamentalement différent de ses autres conflits, à ceci près évidemment que ce conflit est plus explosif, donc le Karabakh au Karabakh le conflit était plus explosif et plus dangereux qu'ailleurs en raison de l'expérience génocidaire des Arméniens. On a beaucoup entendu à la radio et à la télé que le droit international place le Karabakh à l'intérieur des frontières de l'Azerbaïdjan. C'est un raccourci. En réalité, l'Arménie en signant la déclaration d'Alma Hatta en 1991 a reconnu les frontières de l'Azerbaïdjan. Ce n'est pas le droit mais le consensus international qui empêchait la reconnaissance du haut Karabakh. Il n'y avait aucun Etat, ami ou ennemi qui soit prêt à reconnaître l'indépendance du Karabakh. L'enjeu des négociations était donc en réalité de réaliser un quid pro quo. D'un côté l'Azerbaïdjan devait accorder des droits et fournir des garanties à la population du haut Karabakh et de l'autre, en échange il pouvait obtenir la réintégration du territoire en Azerbaïdjan. Le rôle des institutions internationales dans tout ça et tout particulièrement le rôle des institutions européennes il était de garantir cet accord, de veiller à ce qu'il soit appliqué éventuellement même très probablement par une présence sur le terrain. Des soldats de la paix par exemple. Evidemment ce n'est pas ainsi que l'Azerbaïdjan envisageait le problème. Aliyev père et Aliyev fils prétendaient que l'Arménie avait envahi leur pays. Ils avaient agressé. En 2017, j'ai rédigé un article ça fait déjà 6 ans en 2017 j'ai rédigé un article pour un journal européen l'EU Observe qui expliquait pourquoi le format des négociations mènerait à la guerre. Je cite Il y aura bien une guerre dans le Caucase. Il est tout simplement exclu que le format de négociations actuelles puisse amener un accord de paix sans aide extérieure. L'Azerbaïdjan a longtemps refusé de négocier avec les dirigeants du Karabakh. Ils pensent que c'est un état marionnette de l'Arménie. Ils n'acceptent de négocier qu'avec l'Arménie. Cependant la configuration des négociations qui en résultent des négociations directement entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan cette configuration est vouée à l'échec. Si le conflit du Haut-Karabakh est un conflit entre deux états, alors l'Arménie est un envahisseur. L'Azerbaïdjan est donc en droit d'exiger son retrait sans condition de s'éteindre. L'Arménie, pour sa part, est bien incapable de faire des concessions au nom du Haut-Karabakh. Elle accepte cependant de poursuivre les négociations parce qu'un retrait risquerait de provoquer la guerre, ce qui serait pire encore. Après deux décennies, les Arméniens du Haut-Karabakh n'ont donc toujours pas de partenaires de négociations avec lesquels ils pourraient chercher à établir la confiance et trouver une voie vers la paix. Et ils ne peuvent pas non plus communiquer avec le reste du monde pour essayer de trouver des solutions parce que le reste du monde, et l'Europe en particulier, se comporte comme s'il n'existait pas. C'est la fin de la citation de cet article de 2017. J'ai donc écrit tout ça il y a six ans, et un an plus tard, en 2018, le nouveau Premier ministre, Nicole Pachignan, essayait de faire accepter les représentants du Haut-Karabakh comme partenaires de négociations. Il déclarait, je cite, « que la solution au conflit dépend en grande partie du choix du bon format pour les négociations de paix. L'une des parties au conflit, disait-il, l'Afar, devrait être un négociateur à part entière. Le haut représentant de l'Union Européenne, donc ça c'était la fin de la citation, le haut représentant de l'Union Européenne pour la politique étrangère et de sécurité commune, Fédélica Mogherini, rejetait cependant l'idée sans discussion. Elle s'immine de penser que Pachignan menaçait de se retirer des discussions, ce qui n'était manifestement pas le cas, et elle exigea, je cite, « la participation pleine et entière et sans condition du Premier ministre Pachignan aux négociations. » Une citation, « Pendant des années, toutes les actions de l'Union Européenne ont confirmé cette volonté de boycotter l'Afar. Par exemple, aucun représentant de l'Union Européenne n'a jamais visité l'Afar ou accepté de parler à ses représentants. Même les défenseurs des droits de l'homme de l'Afar furent boycottés par l'exécutif européen lorsqu'ils se rendirent à Bruxelles. Et la Commission ne fournit jamais aucune aide de quelque sorte que ce soit aux populations de ce territoire qui avaient été isolées, non reconnues et soumises à une menace existentielle pendant trois décennies. L'Europe a donc contribué à délégitimer la population de l'Afar. Par cette politique, elle a communiqué sans ambiguïté à l'Azerbaïdjan que sa souveraineté territoriale prévalait sur toute autre considération, y compris la préservation de la paix, la protection des populations et la prévention d'un nouveau génocide. L'Union Européenne n'a jamais plaidé pour une solution qui réconcilie les droits des minorités et les droits de l'homme d'une part avec la souveraineté de l'Azerbaïdjan. Elle a toujours considéré ce conflit entre deux États. L'Azerbaïdjan a bien entendu le message et la guerre, naturellement, a suivi. Je suppose que beaucoup d'entre vous m'écoutent avec un certain scepticisme. Qu'on exprime une certaine colère vis-à-vis de l'Union Européenne pour n'avoir pas agi en temps utile, pourquoi pas ? Mais de là à l'accuser d'avoir poussé l'Azerbaïdjan à la guerre et au nettoyage ethnique, n'est-ce pas pousser trop loin le raisonnement ? Alors je vous réponds, pas du tout. Evidemment, je ne prétends pas que l'Europe souhaitait la guerre et le nettoyage ethnique. Je prétends, en revanche, qu'elle savait que c'était un risque réel, qu'il y avait une réelle probabilité que ça arrive, mais qu'elle a privilégié ses intérêts à court terme et sacrifié la paix et la population du Haut-Karabakh. Elle avait tous les éléments nécessaires pour savoir que ce politique menait à la catastrophe mais n'a rien fait pour corriger le tir. L'Europe doit donc être tenue responsable des conséquences de ces politiques. Et cela nous concerne tous. Pourquoi ? Ca nous concerne tout d'abord parce que l'Europe a une mission. L'Union Européenne, souvenez-vous, a été fondée pour remédier aux graves défaillances des Etats Européens. Ces Etats-nations qui avaient provoqué deux guerres mondiales dévastatrices. L'idéologie nationaliste leur accorde tout le pouvoir à ces Etats-nations et toute la légitimité. Les guerres, le nettoyage ethnique et les génocides en sont trop souvent le résultat. Il était donc permis de croire que l'Union Européenne accorderait une attention toute particulière à ce type de danger. Ce ne fut pas le cas. Elle a failli dans un domaine qui relève du cœur de sa mission, de sa légitimité même. Par ailleurs, l'Union Européenne ne peut pas plaider l'incapacité d'agir. Elle dispose d'un pouvoir énorme. Elle a toutes les cartes en main. Elle est l'acteur indispensable en Europe. Elle contrôle les flux commerciaux et les flux d'investissement. Elle sanctionne et finance les grandes infrastructures par son système juridique, par sa puissance économique, normative et institutionnelle. Elle détermine le cadre pour l'ensemble de l'espace européen au sens large et même au large. Pour donner un seul exemple concret, mais je crois en lui-même convaincant, de cette énorme puissance, il suffit d'évoquer le gazoduc TAP. TAP, c'est le pipeline transsadriatique, en anglais, le pipeline transsadriatique. C'est ce pipeline qui amène aujourd'hui le gaz d'Azerbaïdjan de la Turquie vers l'Europe. Avec quel argent pensez-vous que ce projet fut financé ? Avec l'argent de l'Europe, évidemment. La Banque Européenne d'Investissement, qui dépend de la Commission Européenne, a accordé au projet il y a quelques années le plus gros prêt qu'elle ait jamais accordé, soit 6,5 milliards d'euros. Et ça n'était qu'une partie du financement. Il y eut d'autres prêts qui venaient également d'institutions européennes. Sans l'Union Européenne, l'Azerbaïdjan n'aurait tout simplement jamais pu exporter son gaz vers l'Europe. L'Europe aurait pu mettre toute cette puissance au service de la paix. Mais elle ne l'a pas fait et a choisi de valider l'idée que la souveraineté de l'Azerbaïdjan sur la population du Haut-Karabakh était inconditionnelle et illimitée. Elle a nié toute légitimité à ceux qui se sentaient menacés à juste titre. C'est ainsi que l'Europe a mis en marche le processus qui mena à la guerre de 2020, au nettoyage ethnique de 2023 et aux guerres qui suivront. C'est l'Union Européenne qui a ouvert la voie à la guerre. Si l'Union Européenne est ainsi capable de trahir dans le Caucase des valeurs humanistes qu'elle professe et qui sont finalement son fondement, comment les Européens peuvent-ils savoir où et quand elle les trahira encore ? Comment savoir qu'elle n'est pas déjà en train de les trahir ailleurs ? N'est-il pas irresponsable et dangereux de confier au nom de la paix en Europe tous les pouvoirs à des institutions qui en réalité nourrissent les guerres ? Voilà. Et sur cette conclusion, je termine l'émission d'aujourd'hui. Je vous remercie de vous avoir écouté. Je vous invite comme toujours chers auditeurs à me faire part de vos réactions et je vous donne rendez-vous à la prochaine émission. Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org

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